Direction Quai des bulles en compagnie d’Emile Bravo…

Dans quelques jours, à Quai des bulles, je vais avoir le plaisir de rencontrer Emile Bravo…

Avec « Le journal d’un ingénu », Emile Bravo avait secoué les lecteurs à plus d’un titre. D’une part, il créait un Spirou un peu à l’ancienne, un personnage porteur de nostalgie et à la tenue vintage, tout en ayant le dynamisme de la jeunesse sûre d’elle-même… On était dans la période initiale de la seconde Guerre mondiale, au moment où tout était possible même si tout le monde refusait d’envisager le pire…

On voyait aussi un Spirou en genèse, en formation, en devenir et chaque lecteur pouvait finir par accepter que le Spirou qu’il aimait avait bien commencé comme cela, comme Bravo le racontait…

Enfin, pour tous les amateurs respectueux ou pas, de la ligne claire d’Hergé, on renouait avec la « grande » bande dessinée franco-belge. Elle n’était pas morte encore, elle vivait grâce à Bravo !

Alors, lecteur séduit par « Le journal d’un Ingénu », je ne pouvais que plonger sans appréhension dans le premier tome de « L’espoir malgré tout », deuxième partie de l’histoire qui allait se dérouler en quatre volumes. Depuis, trois tomes parus et toujours un récit d’une grande qualité…

Tout d’abord, car il faut être précis dans notre propos, il s’agit bien d’une histoire de Spirou et même de Spirou et Fantasio. Donc, on ne sera jamais surpris de la pointe d’humour dans le récit, du côté enfantin parfois de Spirou (certains diront naïf) ou déjanté de Fantasio. Donc, oui, même en pleine guerre des enfants continuent de jouer au football et cela est bien normal !

Deuxième point important, si la toile de fond est bien historique, sans aucun doute, il ne s’agit pas d’une bande dessinée d’histoire. Ici, c’est bien la drôle de guerre, la débâcle et l’occupation de la Belgique vécues par Spirou et Fantasio. Certes, Emile Bravo s’est excessivement bien documenté, est très précis dans sa narration pour ne pas être pris en défaut, mais il ne raconte pas l’histoire militaire ou politique de la période même si tout est évoqué ou presque…

Ce qui est totalement réussi dans cette fresque de la Seconde Guerre mondiale en Belgique, c’est la dose de subtilité dans les personnages, la diversité des regards et la mosaïque qui se met en place devant le lecteur. Car il n’y a pas chez Bravo les noirs et les blancs, il y a les noirs (les méchants, les nazis) et toutes les teintes de couleurs qui vont jusqu’au blanc. Du coup, on sent tout cela très crédible et chaque lecteur peut trouver un personnage qui lui ressemble…

Emile Bravo n’est pas non plus angélique ou bienveillant envers une catégorie ou une autre car dans chaque groupe un personnage peut être plus ou moins sympathique… Quelques exemples pour illustrer le propos…

Du côté du clergé, on a deux prêtres, un que l’on dirait aujourd’hui réactionnaire, intégriste, de droite… et celui-là est touché par la vision allemande même s’il trouve parfois que les nazis vont trop loin… sauf quand il s’agit des Juifs étrangers où là tout est normal ! Le deuxième est plus humain, probablement touché par la philosophie des lumières et l’humanisme du siècle. Lui, bien sûr, veut sauver les Juifs, les Communistes, écoute les enfants, est touché par les petites misères quotidiennes du peuple belge…

Fantasio illustre bien des situations rencontrées par les Belges et il ne comprend pas tout très vite. Il se fait piéger mais le bon sens ou Spirou le ramène rapidement aux réalités. Il veut aider mais parfois son aide peut gêner, il veut être responsable mais il n’a pas toujours la raison assez solide, il veut résister mais peut mettre en danger les résistants… Bref, la vie n’est pas toujours simple !

De page en page, d’album en album, on suit Spirou et Fantasio dans cette période sans voir le temps passer et, pourtant, le temps il en faut pour lire ces gros albums ! C’est passionnant, réussi, humain, fin, tendre, parfois cruel (mais cette période le fut bien) et très souvent juste ! Je ne suis pas belge et donc je ne porterai pas de jugement sur ce pays et son peuple… mais cela ressemble tant à la France que les lecteurs des deux pays s’y retrouveront sans problème !!!

Alors, bien sûr, on attend avec impatience le quatrième volet de ce récit. On sait que la Belgique sera libérée, on sait que Spirou et Fantasio vont survivre pour vivre tous les aventures que nous avons déjà lues… Mais, pourtant, on est là, tenu en haleine par un récit majestueusement construit par Emile Bravo, remarquablement mis en images et avec des personnages plein d’humanité que l’on est heureux de retrouver !!!

A lire et faire lire !!!

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