Quai des bulles 2015, journée du samedi 24 octobre

Toujours à Saint-Malo, en salle de presse de Quai des bulles en compagnie de Zita, Florian, Maxime et Michel…Edmond Baudoin

Si la journée de vendredi s’était terminée dans le bruit, celle de samedi commence dans la douceur, avec du soleil à l’extérieur sur la Manche et la présence ensoleillée et chaleureuse d’Edmond Baudoin… Qui résisterait à une telle personnalité ? Soixante-treize ans, un enthousiasme à faire bouger des statues de granit bretonnes, une passion à réveiller les cancres au fond d’une classe, un talent à faire pâlir les plus grands, des livres originaux et merveilleux qui ont fait rêver des centaines de passionnés à commencer par Michel qui attendait cette rencontre depuis longtemps…

Son dernier ouvrage est étonnant car il traite du destin de quatre scientifiques – Werner Heisenberg, Alan Turing, Leo Szilard et Hugh Dowding – et de leurs interrogations profondes. Il y a même des pages de mathématiques ce qui fait beaucoup rire cet auteur qui n’a pas fait d’études et qui se souvient de ses zéros en math !

Un beau moment qui fait dire à Maxime : voilà une journée qui commence bien !  

Frédéric Bézian

Un courant d’art aux accents du sud s’installe en même temps que Frédéric Bézian. Sa dernière production qu’on ne pourrait totalement qualifier de bande dessinée, est un livre sans tranche et à la trame narrative singulière. Comme une carte il se déplie, et chaque face présente une histoire différente mais toutes deux liées par le fond et la forme. Forme qui d’ailleurs est le sujet de cet ouvrage puisqu’il traite d’une part des recherches du mathématicien Olivier Byrne, sur la géométrie d’Euclide, triangles, carrés, ronds,…de couleurs jaunes, bleus et rouges…et d’autre part du pionnier de l’abstraction Piet Mondrian, qui aurait pu s’inspirer des travaux du mathématicien.

Support et thème peuvent déconcerter, mais comme l’a dit Bézian, un livre est comme un poulet sur une table, si on est végétarien on n’en mange pas, dans le cas inverse chacun choisit la partie qu’il préfère blanc ou cuisse ou les deux.

Ecouter Bézian, c’est aussi se laisser surprendre. Il a l’air sévère et distant, et, pourtant, il dégage très rapidement une chaleur amicale et paisible… Il parle de création comme il l’a pratique, c’est-à-dire de façon claire, accessible, humaine, géniale et pour nous ce fut du bonheur pur !

Marion Montaigne

L’interview de Marion Montaigne alias professeur Moustache, la fille illégitime d’Einstein, est à l’image de son ouvrage de vulgarisation scientifique, décalée mais très instructive ! Elle traite avec un style bien à elle des sujets très variés. Qu’est-ce que la vie d’astrophysicien ? Est-il possible de greffer notre tête sur un autre corps ? Pourquoi les hommes sont-ils bloqués à l’urinoir ? Autant de questions qu’on ne s’est jamais posées mais dont on souhaite désormais avoir une réponse…

Pour son quatrième volume de « Tu mourras moins bête…mais tu mourras quand même » le professeur Moustache s’attaque aussi à la culture cinématographique en analysant scientifiquement des films comme le Seigneur des anneaux, Interstellar ou encore Star Wars.

Cette interview se conclut par une question encore sans réponses: Un homme peut-il se faire greffer un utérus ? Peut-être aurons-nous une réponse dans la série qui sortira prochainement, consacrée au professeur Moustache et à ses multiples interrogations ?

David Chauvel et Alfred

Est-il possible que certains fans de bédés ne connaissent pas encore ces deux grands auteurs que sont David Chauvel et Alfred ? Oui, probablement car après tout il y a tant d’auteurs et de sorties d’albums chaque année… Par contre, il y a tout à parier que les admirateurs de Daho bédéphiles vont tous dévorer cet ouvrage hommage qui accompagne la sortie de cet album Les chansons de l’innocence retrouvée…

Aucun de l’équipe n’était passionné par Etienne Daho. Certes, on connaissait certaines chansons – à part Michel qui semblait venir d’une autre planète où Daho aurait été inconnu – mais nous sommes bien tombés sous le charme de David et Alfred et celui de leur album que l’on peut apprécier même sans chantonner du Daho sous sa douche…

Durant plus d’une demi-heure, ils nous ont fait découvrir les dessous de la création d’un album de chansons, invite à rencontrer un chanteur dans sa simplicité et son humanité, créé des liens entre tous les créateurs…

Finalement, on aurait presque envie d’écouter du Daho en relisant l’album… Chiche ?

Hervé Bourhis

Michel a découvert Hervé Bourhis il y a bien longtemps à une époque où l’on ne faisait pas encore de la bédé numérique dans Professeur Cyclope. Il s’agissait d’un album très sympa dans la collection Tohu-Bohu, Thomas ou le retour du Tabou ! Depuis les bonnes bandes dessinées s’entassent pour le plus grand plaisir des lecteurs : Un enterrement de jeune fille, Piscine Molitor, Prévert inventeur… du moins, si on se limite à celles que l’on a adorées avant l’arrivée de la bédé numérique !

C’est dans cette revue déjà mythique, Le professeur Cyclope, qu’est né Le Teckel et c’est pour le retour triomphant qu’Hervé Bourhis faisait son escale devant le micro de vivre-a-chalon et RCF en Bourgogne…

Un beau moment de discussion libre et ouverte où il est question de bédé, de culture, de bande dessinée, de l’industrie pharmaceutique et même de libertinage… Hervé aime raconter des histoires et on l’écouterait des heures durant sans se lasser, avec la Manche devant nous… c’est comme dans un beau rêve…

Jung

Coréen adopté, arbre sans racine, Jung répond tout d’abord à nos questions avec un certain repli mais laisse finalement place au personnage attachant et captivant que l’on avait rencontré dans sa bédé autobiographique « Couleur de peau miel ». A travers cet ouvrage, il retrace avec humour et sensibilité son enfance et son adolescence d’enfant adopté qui cherche tout d’abord à enterrer ses origines coréennes mais qui est peu à peu rattrapé par son envie de comprendre et découvrir ses racines. Depuis il s’est rendu à plusieurs reprises en Corée afin de creuser son passé, et nous contera ses aventures et découvertes qu’il y’a fait dans le tome 4 qui sortira prochainement.

Dans son livre le plus récent, Le voyage de phœnix, il prolonge avec une fiction son travail sur les origines, sur la résilience et la reconstruction… Passionnant !

Philippe Jarbinet

Philippe Jarbinet se consacre depuis quelques années (2009) à la fin de la seconde guerre mondiale dans le sud de la Belgique (son pays) avec la série Airborne 44. Actuellement la série comporte trois diptyques de qualité. Chez lui autant de soin au scénario qu’au dessin, la documentation est d’une grande précision quant aux armements, aux tenues et aux équipements de toute nature… La bande dessinée n’est pas un amusement, c’est un art narratif complet qu’il est fier de pratiquer…

En plus de tout cela – on ne prête qu’aux riches – Philippe est un homme de qualité, agréable et disponible qui prend du soin à répondre aux questions sans ménager son temps ni son énergie… Tous les sujets y passent des Ardennes Belges aux anciens combattants, des soldats américains aux allemands, des femmes pilotes à sa jeunesse avec son père, des armes de la guerre aux souvenirs de ces évènements dans son village belge…

Il avoue avoir de la chance d’exercer ce beau métier d’auteur de bédés et il prend le temps de partager avec nous comme s’il s’enrichissait en notre compagnie… Merci Philippe !

Nicolas Jarry, Stéphane Créty et Pierre-Denis Goux

Recevoir des Nains dans une émission de radio ne pose pas de problème particulier car cela ne se voit pas sur les ondes, surtout si les micros sont bien réglés au départ… mais, en fait, ce ne sont pas des nains que nous avons reçus mais les auteurs des Nains, série publiée par les éditions Soleil, ce qui n’est pas tout à fait la même chose !

Nicolas Jarry est le scénariste de la série Nains. Il nous a expliqué le concept, la façon de travailler, l’univers dans lequel il nous invite à voyager. Il parle avec conviction, joie, nous nous laissons prendre et on arrive très vite à cheminer avec Redwin de la Forge… On sent qu’il vient du monde du jeu de rôle, comme Michel d’ailleurs qui retrouve là un peu de sa jeunesse lointaine…

Pierre-Denis Goux, le dessinateur qui a posé les bases graphiques de la série parle ensuite de son travail et du premier album en particulier dont il a assuré le dessin. Puis, Stéphane Créty, le dessinateur du tome 2, parle de son travail et de sa passion pour l’histoire et la fantaisie. La série Nains lui permet d’unir les deux et ce n’est que du bonheur !

Un grand cri du côté de l’exposition de Fluide Glacial nous ramène à la vraie vie dans la salle de presse du Quai des bulles. Reconnaissons que ces animations bruyantes nous causèrent quelques difficultés lors des interviews radio…

Mahi Grand

Imaginez une jeune femme qui dans sa famille pied-noir entend en continu sa grand-mère dire « C’était mieux là-bas ! ». La situation est bloquée et on comprend qu’elle fasse, un jour, son sac et aille voir comment c’est là-bas ! C’est exactement ce qu’a fait Olivia Burton… Dès qu’elle a découvert l’Algérie, ses couleurs, ses paysages, ses habitants, elle a imaginé qu’elle ne pouvait raconter cette aventure qu’en bande dessinée…

Malheureusement pour elle, heureusement pour Mahi Grand, elle ne savait pas dessiner ! Comme ils avaient déjà travaillé ensemble, il sembla logique au deux d’unir leur travail pour cet ouvrage L’Algérie, c’est beau comme l’Amérique. Mahi Grand était à Saint-Malo, il est venu dire qu’il avait dessiné l’Algérie où il n’était jamais allé mais que la collaboration avait été parfaite… Depuis, il est allé en Algérie, du moins à Alger et il avoue qu’il n’aurait pas dessiné tout de la même façon même si de nombreuses personnes, pied-noir ou Algériens, lui ont dit que l’essentiel était bien là…

Un joli moment en compagnie d’un auteur charmant et délicat qui offre un ouvrage passionnant et agréable à lire !

Cyril Pedrosa

Maxime était un peu dans ses petits souliers pour recevoir Cyril Pedrosa car c’est lui qui devait le faire parler ce cet ouvrage impressionnant Les Equinoxes. Oui, il s’agit bien d’une œuvre imposante, mélange haut en couleurs, œuvre hybride entre bédé, roman, art plastique et poésie… Cyril nous a invités à le suivre au cœur de son histoire, celle qui traverse les saisons, nous plonge dans l’intimité et fait de la vie quotidienne une extraordinaire fiction ! La vie de ses personnages aux destins croisés nous a émus, impressionnés et ce fut une belle rencontre !

Erwan Le Saëc

Évidemment pas de déplacement à Saint-Malo sans parler de marins et de pêcheurs de morue. C’est cette activité qu’Erwan Le Saëc nous fait découvrir à travers la série bédé « Entre Terre et Mer ». Dans ces trois albums, nous suivons donc le périple d’un jeune homme (Pierre Abgrall) qui décide de tout quitter pour tenter de trouver un travail sur la côte en tant que saisonnier. Mais il va très vite être attiré par la mer et va décider de s’embarquer sur la « Charmeuse » au côté son équipage si particulier. Attention ne vous trompez pas cette bande dessinée ne raconte pas que l’histoire a proprement parlé des marins mais également de l’attente de leurs femmes et la peur de celles-ci de ne jamais les revoir…

Pour ce faire, l’auteur et le dessinateur ont tous deux choisi de représenter dans certaines pages les peurs de certains personnages quant à la mort, les différentes superstitions ou légendes de l’époque et nous font même rentrer dans l’inconscient de certains personnages à travers leurs rêves (ou plutôt cauchemars). C’est donc vous l’aurez compris un dessinateur qui nous invite au voyage et stimule notre imaginaire. A un moment, nous avons même crû que la « charmeuse » était là au large de Saint-Malo, à nous attendre…

Mais les reporters ne sont pas partis et Erwan leur a rappelé que la mer ne fut pas que source de bonheur, qu’elle a emporté avec elle de nombreux marins (parfois très jeunes) et qu’elle a fait beaucoup pleurer sur cette terre de Bretagne !

Fabien Vehlmann

La série Seuls est pour certains lecteurs une des grandes réussites de la bande dessinée jeunesse et rencontrer le scénariste c’est toujours l’occasion d’aborder plus de mille questions toutes aussi intéressantes les unes que les autres…

Après avoir parlé de cul – non, je n’exagère pas – avec une journaliste qui croyait que Seuls était une bande dessinée qu’il fallait interpréter comme Freud l’aurait fait à son époque, Fabien a plutôt parlé de la série, des personnages, des limbes, de la vie et de la mort, de la société… Oui, Seuls est bien comme une Utopie qui parle de nous, de notre société, des femmes et des hommes… et il n’y a pas que le cul dans la vie… Non ?

Passionnant de rencontrer un tel homme qui est à la fois un adulte racontant des histoires aux enfants – de 10 ans à 15 ans – et un enfant qui a bien conscience de ne pas être, encore, un adulte à part entière… Mais doit-on être adulte ? Ne faut-il pas garder un petit quelque chose de notre jeunesse ?

Chacun donnera sa réponse, bien sûr, et pour ceux qui veulent cultiver un petit souvenir de leur jeunesse : bonne lecture de Seuls !

Eric Chabert

C’est après une journée remplie de belles et diverses rencontres (toutes plus enrichissantes les unes que les autres) que nous avons pu rencontrer Alexis Chabert, dessinateur de la BD intitulée Gainsbourg qui retrace graphiquement l’histoire de ce légendaire chanteur…

Dès les premières pages le ton est donné on découvre un jeune homme talentueux mais déjà tourmenté par ces démons qui auront raison de lui quelques années/pages plus tard… Au cours de notre entretien, le dessinateur nous a expliqué le défi qu’a été de représenter pour lui ce chanteur dont les dessins il faut l’avouer relèvent parfois de la caricature (oreilles décollées, nez proéminent…). Pour lui, ce travail est nécessaire car le lecteur doit le reconnaître facilement et ces attributs font partie du charme du personnage…

C’est donc une bédé très visuelle, graphique, colorée et poétique qu’Alexis Chabert et François Dimberton nous proposent ici… Une bande-dessinée à avoir dans sa bibliothèque assurément et à lire en écoutant quelques-unes de ces chansons indémodables…

Didier Kassaï

Dès la lecture terminée, Zita savait que c’est elle qui interrogerait Didier Kassaï. Pourtant, avouons qu’un contretemps a bien failli faire sombrer ce plan dans le fond de la Manche… heureusement, la rencontre eut lieu !

Dans Tempête sur Bangui, l’artiste centrafricain expose avec simplicité, subtilité et parfois même avec humour, le paysage chaotique qu’il traverse tous les jours avec force, courage et lucidité.

Il y décrit sans prendre parti ce que vivent quotidiennement les habitants centrafricains et apporte un point de vue global sur la réalité d’une situation méconnue des Européens, situation qui frappe avec une violence inouïe également d’autres régions en Afrique. Amnesty International a coédité l’ouvrage, c’est pour vous dire à quel point il est important aujourd’hui que l’information se relaie, et que des auteurs, dessinateurs tel que Didier Kassaï soient soutenus, édités et diffusés !

Geneviève Marot

Il faut savoir clore un beau moment et ce n’est pas si simple car quand on est bien, on souhaiterait que cela ne cesse jamais… La rencontre avec Geneviève Marot est venue au bon moment car quitte à terminer une journée comme celle-ci – commencée avec Edmond Baudoin – autant le faire avec cette auteure d’une qualité humaine étonnante… J’en vois déjà qui imaginent que cette périphrase cache un talent moyen… Détrompez-vous, Geneviève est profondément humaine, douce, chaleureuse et attentive aux autres mais c’est aussi indiscutablement une auteure complète avec laquelle il va falloir compter car pour son coup d’essai elle a réalisé un coup de maître !

Certes, pour s’entretenir avec elle il fallut déplacer des chaises, trouver un coin tranquille dans un hôtel qui commençait à se remplir des bruits de festivaliers repus, de journalistes épuisés et d’auteurs éreintés… mais, à peine assis, on se serait cru sous un tamarinier accompagné d’un accordéoniste malgache… c’était peut-être, qui sait, Jean Piso. Attention, prononcez « pisou » !

L’ouvrage de Geneviève Marot – là, par contre prononcez bien maro – est de toute beauté et cela restera une des lectures fortes de cette fin d’année 2015. Il est pétri d’humanité, musical, exotique, drôle… La narration graphique est dynamique, plaisante et efficace ! On en finirait presque par douter que Geneviève signe ici sa première bande dessinée ! Et pourtant c’est bien le cas !

Et, bien sûr, mille regrets (pas éternels car il y aura des séances de rattrapage) pour ceux que l’on aurait dû rencontrer mais qui ont été victimes de quelques dysfonctionnements… Lupano, Philippe Buchet, Emem, Bastien Vivès, Jérémie Moreau…

 

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