Magicite
avatar 16/05/2024 @ 18:41:09
Fuite d’eau

Plik Plok.
Plik Plik Ploc
Le pluie mouillée tombe sur le toit.
Plok plok plic.
C’est une tôle ferme inclinée.

Amarine, Néréide hybride, regarde heureuse les gouttes qui filent de différentes tailles, amalgamées en formes arrondies après s’être écrasées dans les ondulations métalliques formant des gouttières.
Ûm-napištim l’observe sur le balcon. Un peu de répit pour elle, au moins elle ne sautera pas du toit tant que le temps pluvieux dure. La dernière fois il a du la récupérer dans les égouts toute salie, elle voulait faire comme l’eau qui court sur et sous la terre jusqu’à rejoindre la mer mais c’est impossible pour elle ici et en ce ce moment.
_’’Uta Uta Uta Uta-Napistache, viens voir les trop belles glyphes’’.
_’’Mouais pas fan des grosses pluies.’’ dit l’immortel lymphatique.
La nymphe éructe en un long et bruyant rire glougloutant auquel succède une volumineuse expulsion de morve verte et varech de son nez bleu.
Floc Floc en plaques liquides sur le sol inondé du balcon.
Il sourit, elle a même surmontée son mal de la hauteur. Le 7ème et dernier étage de cet immeuble miteux ne convenait pas vraiment à une créature dont le milieu naturel est en dessous de l’altitude zéro mais c’est le seul logement qu’il a trouvé correspondant à leurs exigences urgentes; pas cher pour son budget limité et dans un endroit assez discret pour qu’ils puissent ne pas attirer l’attention.
Bien que pour celles et ceux habitués aux grands espaces de nature sauvage toutes les villes sont d’immondes tanières puantes et toxiques.
Les formes de béton des bâtiments gris semblent disparaître recouvertes par l’effet conjoint de la brume et des rideaux de la pluie. Que peut y voir un être aquatique?

Uta-napisthim Athrasis fils d’Uta-tutu, roi de Šurupak la cité disparue, ne peut imaginer malgré toute la sagesse transmise par son père et ses quelques millénaires d’existence.
_’’17,18,19,20…’’ chantonne Amarine. Chaque goutte a son propre signe, message inscrit dans les détails de sa forme, sa viscosité, orientation et autres particularités hermétiques à tous ceux qui ne peuvent accéder à toutes les subtilités de H2O. Pour ceux qui savent lire l’eau en tout cas.

La pierre émet chaleur et lumière dans la poche du très vieil homme à longue barbe blanche. Il la porte tiède devant ses yeux pour y lire le message en caractères cunéiforme qui apparaît. Dans 20 minutes, sa femme va revenir avec une nouvelle réfugiée chassée de son logis par la construction d‘une bretelle d’autoroute. Encore une dryade soupire t’il. Les forêts sont meurtries et rares sont les lieux où ses résidents peuvent encore être tranquilles, loin des humains et de leurs envahissantes et destructrices besognes. Les lieux sûrs pour les mettre en sûreté se réduisent aussi devant l’afflux et sont surpeuplés. Celles de même famille peuvent vivre ensemble dans le même arbre, bien que sans confort mais retrouver leur parenté est complexe et hasardeux quand leur fuite pour la survie est toujours précipitée.

Le hiatus d’un éclair qui illumine le ciel fit pousser à nouveau un cri à Amarine, les bras levés elle commande aux tempêtes, elle est la tornade maritime, les vagues, le ressac, les typhons qui engouffrent les navires par le fond et aussi le calme d’une mer plate s’évaporant dans les nuages sous un soleil implacable. Les rues couvertes de bitume sombre enflèrent en une gerbe de marée galopante dans la joie de la nymphe océanique, manquant chavirer les rares véhicules circulant sous les trombes battantes. Il la rejoint finalement au balcon, pose sa main gentiment sur son épaule. Celle-ci comprit qu’elle ne peut laisser libre cours à sa frénésie, à sa rage contre les actions des humains sur le monde. Pas encore en tout cas mais tout viendra en son temps, si elle survit jusque là toutefois, elle l’avait lu dans les lettres de l’eau.
Ce logement miteux n’est qu’une étape avant de rejoindre un lieu de vie adapté pour elle. Elle l’étreint fort, des larmes en ruisseau coulent de ses yeux noir comme l’ abysse.
_’’Les poissons disparaissent ou crèvent pleins de leurs saletés. La mer déborde de leurs déchets qui masquent le soleil sous la surface et empoisonnent les miennes.’’.
Il se rappelle que le réseau l’a trouvée agonisante dans la mer de plastique, remontée à la surface empêtrée parmi les détritus.
Enlacés tendrement il chante une antique chanson dans la vieille langue de Sumer, la seule chanson qu’il se rappelle encore, la berce comme une houle lente des profondeurs.
Tellement d’autres comme Amarine subissent la maladie humanité.
La sonnerie de l’interphone du rez-de-chaussée retentit. Le vieillard sage recompose sur sa face une constance après cet instant d’émotion. Prend un instant de pause et une grande inspiration, puis fixe le regard mouillé toujours entourant la Néréide de ses bras.
_’’On a une amie qui nous rejoint, elle est un peu comme toi.’’
Tout en sachant que forêt et mer ça peut devenir facilement comme chien et chat il espère que tout ira bien. Dans une semaine les autres viendront pour la conduire vers le refuge de l’Arctique, sanctuaire marin encore sauvegardé.
Mais pour combien de temps? Sa femme pense que les réfugiés qui y sont placés peuvent aider les ours blanc à survivre. Il est prêt à implorer encore la grâce d’Éa pour que cela advienne, lui le patriarche de toute l’humanité qui essaye de panser les dommages commis par ses enfants.

Spirit
avatar 16/05/2024 @ 19:49:21
Un monde particulier pour une cause necessaire. Je n'ai pas tout compris sur les noms à savoir est-ce des noms de dieux sumeriens ou autre? eclaire mon ignorance.

Magicite
avatar 16/05/2024 @ 20:56:13
Haha c'est fait exprés pour perdre le lecteur et aussi ajouter une profondeur cachée au texte.
On me dit abscon mais mon titre de travail était:
Récits de xénolalie en déphasage persistant
( partiellement automatisme des énergies psychiques orientées vers un réel fonctionnel de la pensée )
*

Je suppose que ça serait un peu trop long en titre de sujet.

[spoiler]
Le dieu Éa(Enki) sauve un homme et sa femme du déluge provoqué par Enlil dérangé par le bruit et l'expansion de l'humain et leur octroie l'immortalité.
Dans l'épopée de Gilgamesh: Gilgamesh vient le trouver à la recherche de la vie éternelle, mais le sage UtaNapisti (surnommé Athrasis traduit par sage, j'ai aussi utilisé 2 graphies pour son nom histoire d'être [strike]pas[/strike] clair et Amarine le surnomme Uta-Npistache parce que les nymphes sont comme ça) le convaint que ce n'est pas une chose faite pour lui.
Comme c'est quand même proche d'un autre mythe postérieur avec un certain Noë j'ai utilisé le patriarche qui serait père de toute l'humanité même si ce n'est jamais dit dans les histoires Sumériennes car tout le monde sait que les êtres vivants apparaissent par création spontanée.
[/spoiler]

Oui je suis parfois taquin et le BBCode du fofo n'accepte toujours pas la balise spoiler ;)

[color=#FFFFFF]*ce qui n'est pas vraiment la cas.[/color]

Spirit
avatar 17/05/2024 @ 09:51:37
Tu m'a (un peu) éclairé))))

Pieronnelle

avatar 17/05/2024 @ 18:35:30
Bien entendu je t'ai gardé en dernier sachant qu'il y aurait relecture :-)
Bon que dire ? Il y a de vrais beaux moments trés visuels, j'ai aimé Amarine qui dirige les tempêtes c'est grandiose...il y a un glou glou persistant (fuite d'eau?) sensation de noyade...
Une belle phrase "Tellement d’autres comme Amarine subissent la maladie humanité" qui fait frissonner...
Sensation générale d'un monde que l'on ignore peuplé d'êtres visqueux et gluants dont on ne sait pas si on aimerait les rencontrer mais qui manifestement ont du mal à exister..un monde Magicitien que lui seul semble voir et qu'il nous explique avec force details !
Je ne suis pas sûre que d'autres sites litteraires possèdent un Magicite :-)) Et en plus il est fidèle à CL !!

Nathafi
avatar 18/05/2024 @ 10:25:35
Magicite, ton texte m'a semblé assez accessible cette fois :-)
Déjà pour sa longueur, que tu as écourtée, ensuite pour la compréhension, même s'il reste une part d'ombre et que des précisions mériteraient d'apparaître, j'ai à peu près capté :-))) Cette fois tu ne pars pas dans tous les sens et c'est appréciable.
Pour moi il parle d'un monde en chaos, et de créatures plutôt invisibles qui cherchent à survivre et regagner leur espace naturel.

Ton univers est très particulier Magicite, c'est ta marque de fabrique, et je trouve que ce texte est mieux construit et plus "discipliné" que d'autres de tes productions.
Merci !!!

Tistou 18/05/2024 @ 12:30:59
Magicitien en diable. Avec l'habitude on sait qu'il faut se laisser porter par les mots, les phrases voire les idées mais surtout, surtout, ne pas réellement chercher à comprendre. Je veux dire à comprendre au mot à mot. Il faut saisir le flux, l'ambiance qui flotte dans tout cela et voilà !
Et bien ce texte c'est ça. D'ailleurs, si je vois bien globalement où tu veux en venir les détails me restent totalement abscons.
Le rapport à 20 est ténu, ténu ... mas ce n'est pas moi qui te jetterai la pierre, habitué que je suis à détourner les contraintes !

Merci de ta présence régulière sitôt que des appels sont lancés, et donc pour ce texte.

Tistou 18/05/2024 @ 12:40:25
Magicite s'est inscrit sur C.L. en Janvier 2006 (c'est marrant, je n'aurais pas dit). Mais il n'a mis en ligne son premier texte qu'en Septembre 2011. Depuis il en a 82 au compteur, régulièrement marqués du sceau d'une imagination qu'on qualifiera de débridée.
Des textes de sa propre initiative comme des participations régulières aux exos. Magicite a participé aux 10 ans de V.E., aux 20 ans de C.L. et aux MM 7, 8 et 9.
Régulière ? Il y a eu un trou vers 2017 sinon régulier, oui.
Participation moyenne à la raison d'être principale du site avec 12 critiques principales et 90 éclairs.
Enfin, avec 1214 posts - depuis 2006 - c'est un forumeur parcimonieux.

Saint Jean-Baptiste 19/05/2024 @ 15:02:47
Surprenant Magicite, toujours fidèle à lui-même mais, en nette amélioration, j’ai tout compris du premier coup, et j’ai même tout lu jusqu’au bout… ;-))
j’ai été très heureux de faire la connaissance de la nymphe océanique… Elle est adorable ! Ah si je l’avais connue 20 ans plus tôt ! Comme disait Serge Régiani « il suffirait de presque rien, seulement quelques années de moins... » Et le dieu Ea manquait à mon panthéon. Je l’implore, il pleut derrière ma vitre.
Un très beau texte, belle évocation des temps présents et beaux rappel de nos 20 ans, ou plutôt de nos 20 mille ans et quelques jours, et une belle pensée pour le sauvetage des ours blancs…
Un texte bienvenu et à méditer sans modération.

Marvic

avatar 21/05/2024 @ 15:44:29
J'ai beaucoup aimé l'univers fantastique dans lequel tu nous a emmenés; j'ai une grande admiration pour les auteurs de science-fiction et de fantastique capables de créer d'autres mondes.
Même si en l'occurrence, on est sur "notre terre" souffrant de la "maladie humanité".
Un texte superbe et original, qui demande une relecture attentive.
Et un petit coup de coeur pour la poésie des "lettres d'eau".

Page 1 de 1
 
Vous devez être connecté pour poster des messages : S'identifier ou Devenir membre

Vous devez être membre pour poster des messages Devenir membre ou S'identifier