La petite trotteuse
de Michèle Lesbre

critiqué par Clarabel, le 12 septembre 2005
( - 48 ans)


La note:  étoiles
L'esprit des murs
Anne est mystérieuse. Que fait-elle dans la vie ? Elle visite des maisons ! C'est sa trentième villa, elle se situe au bord de la mer, avec les volets clos et désertée de ses occupants. Avant de se rendre à son rendez-vous, Anne séjourne dans un hôtel tenu par une mère et sa fille, un couple attachant, entouré d'ombres également. Anne semble d'ailleurs être fascinée par leurs activités nocturnes, elle épie les silhouettes, les bruits et elle pense à des tas de choses. A l'hôtel elle rencontre également un homme qui laisse la porte de sa chambre toujours ouverte, où elle s'y faufile discrètement pour cerner le personnage. Et c'est finalement avec lui qu'elle va visiter la villa. En fait, Anne ne compte pas acheter de maisons. Elle visite, demande à rester plusieurs heures seule pour s'imprégner des murs. Mais cela va au-delà, car aussitôt les souvenirs affluent, la nostalgie d'un passé - une enfance née avec la guerre, des parents éteints, absents, déjà partis... De son père mort, Anne a hérité une montre dont le tic-tac réveille des émotions assoupies et sonne un rappel vers le passé entouré de secrets, également. Ce sont ces résurgences, embriquées à l'instant présent, qui ponctuent cette histoire.

Il y a cette belle citation : "L'esprit des murs ressemble parfois à un miroir imaginaire où vacille le reflet éteint du passé". Elle résume en gros l'esprit du livre, elle aussi. "La petite trotteuse" est un roman intimiste, avis aux amateurs. L'ambiance est ouatée, sucrée, pleine d'arcances, de pas feutrés,
de suppositions, de questions et de longues interrogations sur la personnalité d'un père, d'une mère et de soi-même au milieu de ces spectres. Ceci est un beau roman qui me passionne, tout personnellement. Il correspond à ce genre que j'affectionne...



Extrait :
" Je n'ignorais pas que ces vieux souvenirs renfermaient ce que je cherchais, quelque chose d'impossible à admettre jusque-là, mais qui peu à peu se rapprochait de la lumière. Toutes les maisons visitées, dans lesquelles je parvenais à maîtriser ce long travail d'exploration que je refusais de faire dans le cabinet d'un psychiatre, m'aidaient d'une étrange façon. Je trouvais un réconfort à errer dans leurs murs encore habités malgré leur apparent abandon. La dernière visite serait-elle la fin de cet interminable périple ? ... "