Tête-de-Mule. Drôle de nom pour un grand-père. Même japonais. C’est le grand-père du narrateur. Narrateur adulte mais qui raconte en fait son enfance, ou plutôt la découverte, à l’âge de dix ans de son grand-père : Tête-de-Mule.
A dix ans, ce petit garçon vit pauvrement avec sa mère divorcée, changeant régulièrement de résidence, pour ne pas être retrouvée par l’ex-mari croit-on comprendre. Mais là n’est pas l’important. L’important c’est qu’à l’âge de dix ans, rentrant seul de l’école, le petit garçon identifie, sans l’avoir jamais vu, le clochard posté sa maison comme Tête-de-Mule, ce grand-père dont on lui a rebattu les oreilles. Il s’installera chez sa fille, comme pour y mourir et le garçon nous raconte la cohabitation. Avec des mots, des sentiments et des capacités d’analyse d’enfant de dix ans. A hauteur d’enfant. Et à sa manière de semer des détails anodins et d’y accorder toute l’importance qu’ils ne méritent pas forcément, l’écriture de Kazumi Yumoto m’a fait penser à celle d’Hubert Mingarelli. Moins introspective mais toute aussi proche de l’individu ; de l’enfant, de la mère, de Tête-de-Mule.
Comme Mingarelli le fut au début d’ailleurs, Kazumi Yumoto est d’abord une auteuse pour la jeunesse. C’est son premier roman adulte. Intéressant de constater qu’elle a préféré traiter le sujet en se plaçant dans la peau d’un petit garçon plus que d’une petite fille.
« C’est au printemps 1970, quand j’avais dix ans, que Tête-de-Mule est venu dans l’appartement où maman et moi vivions. Ce jour-là, en rentrant de l’école, j’ai vu un inconnu affaissé devant la porte. Je lui ai aussitôt demandé :
- Tête-de-Mule ?
Si je n’ai pas hésité à m’adresser ainsi à lui, c’est peut-être parce qu’il semblait assoupi. Chaque fois qu’elle voyait un clochard endormi dans la rue, maman disait : « Maintenant Tête-de-Mule doit être comme ça » ou « Oh j’ai eu peur ! J’ai cru que c’était Tête-de-Mule. » J’avais donc déjà aperçu des sortes de bandes-annonces de mon grand-père- encore jamais vu- sous un pont, dans un caniveau ou sur les marches de pierre humides d’un escalier menant à un sanctuaire désert. »
Tistou - - 68 ans - 13 décembre 2006 |