Les confessions de Max Tivoli
de Andrew Sean Greer

critiqué par Sahkti, le 27 juillet 2005
(Genève - 50 ans)


La note:  étoiles
Naître vieux
Max Tivoli est né "à l'envers"en 1870. Bébé, il avait l'apparence d'un vieillard et en grandissant, il rajeunissait physiquement inversément à l'accumulation des années. De quoi dérouter et en faire une sorte de personnage d'épouvante. Non pas un monstre au physique effrayant mais une créature intérieurement tourmentée qui reflète nos angoisses comme un miroir. Ainsi nous deviendrons comme ça. Ainsi il a la chance de redevenir jeune alors que nous flétrissons. Tout cela bouleverse évidemment Max Tivoli qui doit s'adapter en toutes circonstances. Alors qu'il flirte avec la soixantaine, il décide de rédiger ses mémoires mais son écriture n'est pas celle d'un homme mûr, elle ressemble à la plume d'un enfant. A soixante ans, Max en a douze. La mort l'appelle alors qu'il a le visage d'un bambin.
Au fil des années, Max essaie d'apprendre à vivre avec ce corps qu'il considère comme étranger mais cela lui est quasi impossible; l'esprit et le corps ne sont pas en phase, il y a décalage constant. Comment vivre de la sorte... En mentant. C'est une des solutions. Notamment en matière amoureuse. Mais tôt ou tard l'imposture est démasquée, c'est l'enfer. Max vit donc dans une profonde solitude, complètement décalé des autres et du monde qui l'entoure. Ce n'est pas faute d'avoir essayé, il a adopté diverses identités et possède une sagesse que d'autres n'ont pas encore. Rien n'y fait.
Parallèlement à l'évolution de Max, Andrew Sean Greer fait vivre San Franciso dans cette période de l'après Guerre de Sécession, dans une ambiance bourgeoise et conventionnelle. De quoi apporter quelques difficultés supplémentaires à Max né à la mauvaise époque.

L'écriture de Greer n'est pas exceptionnelle mais son roman est plaisant. Il ne révolutionne rien, ce n'est pas le plus original mais il s'en dégage quelque chose qui lui donne beaucoup de charme. Probablement ce côté attachant qu'on ne peut s'empêcher de ressentir pour Max, personnage jamais à sa place dans lequel on finit par retrouver un peu de nous-mêmes à un moment ou à un autre. On sent d'ailleurs que Greer est conscient de l'effet que Max produit, plusieurs interpellations au lecteur en témoigne. L'auteur implique son public, impossible d'y échapper et finalement, ça vaut la peine, c'est une découverte intéressante.
Pauvre Max 4 étoiles

Un protégé de Updike, lequel l’a comparé à Proust et Nabokov, Andrew Sean Greer possède une des plumes les plus matures à émerger de la relève littéraire américaine. Une constatation qui ne s’applique pas nécessairement à son récit.

Dans ce second roman, il bouscule notre concept linéaire du vieillissement en inventant un curieux phénomène. Max Tivoli, le narrateur, vit sa vie à l’envers. Il est né ratatiné, dans un corps de vieillard qui s’améliore avec le temps, grandissant vers l’enfance, perdant ses rides et sa barbe au fur et à mesure qu’il vieillit. Ceci, bien sûr, l’oblige à se réfugier dans le mensonge, le condamne à subir les conséquences d’une image physique qui n’est pas la sienne.

Si l’idée de nous proposer une autre perspective sur les comportements sociaux associés à l’âge est astucieuse, le traitement est beaucoup moins adroit. Rapidement, Max s’embourbe dans la possibilité d’une relation amoureuse avec Alice, une jeune fille de 14 ans, alors que celui-ci a un corps de 60 ans. Une idylle impossible qui, à la longue, occupe toute la place et tourne carrément au pathétique.

Non sans son charme discret et une part de magie, ce roman a de nombreux défauts - la chimie est inexistante entre les personnages - le contexte historique est sous-exploité - et les revirements sont révélés à l’avance. Tout repose sur les épaules de Max, le genre de héros capable, pour certains, de faire oublier ces déficiences.

Pour ma part, je n’ai pas été ému par ce discours de Max, centré sur lui-même et ses aspirations. À la fin, ses confessions m’ont rappelé que la suffisance et l’égoïsme ne sont pas l’apanage des gens normaux.

Aaro-Benjamin G. - Montréal - 54 ans - 6 août 2005