Il y a une chose que j'adore, dans cette série, c'est l'abondance des dialogues "tac au tac", ping-pong, au laser. Elle donne un rythme fou à l'ensemble. Même si à un moment, ça devient un peu systématique, ça apporte beaucoup la saga.
Bon, il ne faut pas trop chercher la nuance dans les personnages, mais c'est un peu la loi du genre. Pazair et Néferet sont des incorruptibles des gens bien, intéressants, mais un peu trop "sans faille", presque célestes. Une touche d'humanité, un défaut, les aurait rendus inoubliables. Dommage.
Par contre, Christian Jacq se rattrape avec ces deux personnages extraordinaires que sont Souti et Panthère. Quel feu ! Leur présence, beaucoup plus déjantée et marquée autant par les défauts humains comme par les qualités, a beaucoup plus de densité et de force, et plus on progresse dans le livre, plus on a la sensation qu'ils en sont le vrai coeur battant. Deux grandes réussites.
Le tout tout dernier retournement (chut ! non non je n'en dirais pas plus ou alors je vous donne mes coordonnées bancaires et on peut s'arranger :) ne m'a pas trop convaincu. J'ai du mal à y croire. Surtout qu'il semble un peu une redite d'un autre retournement, intervenu plus tôt dans l'histoire.
Mais, en ce qui concerne l'identité du fameux avaleur d'ombres, je me suis fait avoir comme un bleu, et pourtant j'ai fébrilement cherché et donc, en tant que lecteur qui aime se faire avoir par une intrigue, je me sens comblé.
J'aime aussi la manière de Christian Jacq de montrer que, dans ce complot, il y a les chefs apparents, mais qui sont eux mêmes manipulés par d'autres qui sont les chefs réels, ça c'est fort intelligemment pensé et écrit.
J'aime beaucoup également le personnage de Kem, le chef de la police d'origine Nubienne. Il est complètement désabusé mais il apporte quand même un soutien sans faille à Pazair, non pas parce qu'il croit lui même en la justice, mais parce que Pazair force son admiration et, en quelque sorte, y croit à sa place.
Très intéressante, aussi, la notion sans cesse présente que la fortune de plusieurs personnages se fait, se défait, se refait, se redéfait, se rerefait, que le triomphe est fragile et la disgrâce aussi, la roue peut tourner à tout moment. Comme quoi l'auteur peut être subtil et nuancé.
Passionnante aussi, la manière de l'auteur de présenter les systèmes économiques de l'Egypte et des autres pays, et de nous faire comprendre que, dans ce complot, il n'y a pas qu'une histoire de "monter sur le trône à la place de Pharaon, mais aussi un enjeu économique, culturel, un enjeu de mode de vie, de vision de la vie, un enjeu matériel et spirituel complet. Par exemple, la manière de Christian Jacq de parler entre autres des systèmes monétaires bancaires qui tentent dans le livre de s'imposer à l'Égypte, éveille des échos très très contemporains et remue des questions très très actuelles. Beaucoup penseront, en refermant le livre, que, chez nous et à notre époque, les comploteurs ont gagné et qu'il nous a manqué un Pazair.
J'aime, dans cette saga, le fait que Christian Jacq nous donne également des présences animales constantes, notamment ce délicieux babouin policier si sensitif. Ça nous aide à supporter la présence, belle mais un peu désincarnée, de ce couple pétri d'idéal, Pazair et Néferet, ce qui est très bien en soi, mais.. trop c'est trop.
J'aime, globalement, les multiples notations concrètes et pratiques, presque des recettes, de médecine, de beauté, d'urbanisme, de commerce, on est dan le concret, le réel et j'aime beaucoup ça.
En résumé, une saga passionnante que je n'ai pas lâchée mais dont le principal point faible est... les deux personnages principaux, prenants,, intéressants mais pas assez humains. Qu'ils servent Mâât, la justice, oui, mais ils ne sont pas des dieux quand même, à côté d'eux, même Pharaon paraît beaucoup plus humain et réaliste ! Certes, Pazair doute, se questionne mais ça ne va pas bien loin. Une caresse de Néferet et c'est reparti comme en - 1300 :-)
Toutefois, je recommande chaleureusement ce thriller passionnant et grouillant de vie, rien les aventures parallèles de Souti et Panthère valent le détour. Et, tout au long du livre, grâce à l'attention portée par l'auteur à toutes les choses concrètes qui font la vie, on s'y croirait vraiment, en lisant on est en Égypte ancienne, on voit tout, on entend tout, et on touche tout du doigt.
Stéliade - - 60 ans - 18 octobre 2011 |