La critique d’Isaline rend bien compte des points-clé du roman. Je voudrais toutefois renforcer l’idée de tragique qui me paraît une des idées force de ce livre. En effet si « L’homme pressé » est souvent burlesque, il est peut-être surtout une tragédie.
Cet homme pourrait avoir tous les bonheurs du monde. Or il ne sait pas en profiter quand il ne les gâche pas méthodiquement. L’amour n’est qu’une conquête, et à la hussarde, la vie une compétition, le bonheur un instant éphémère qu’on ne sait pas savourer et qu’on interrompt. Est-ce une fuite, une angoisse ou la poursuite d’un inaccessible rêve ?
Morand se garde bien de donner la réponse lui qui a pourtant écrit : « L’homme pressé, c’est moi ». L’auteur a mis certainement beaucoup de lui-même dans le personnage de Pierre Niox, éternel insatisfait, compétiteur un peu vain qui sait, au fond, que la vitesse n’est qu’une « course gagnée dont la solitude est le prix. » S’y ajoute, selon sa biographe Ginette Auviste-Guitard, le fait que Paul Morand aurait eu, au moment où il commence ce roman, une liaison dont un enfant serait né en janvier 1939. La fin du livre serait donc la transposition romanesque d’une histoire vécue.
Morand est dans ce roman styliste comme toujours – « le trait en éclair ; le ton cassant, l’image qui fait sursauter » selon son ami Jacques Chardonne – et moraliste comme souvent.
« L’homme pressé » est une sorte de fable désenchantée sur l’amour impossible, le bonheur inutile et la vanité de l’existence.
Jlc - - 81 ans - 23 août 2007 |