L'homme au gant
de Hervé Gauville

critiqué par Sahkti, le 16 juin 2005
(Genève - 50 ans)


La note:  étoiles
Etre fasciné par un tableau
Avez-vous déjà vécu cette expérience étrange et fascinante de vous rendre dans un musée et de vous diriger immédiatement vers une œuvre bien précise, ne regardant rien autour de vous, ignorant superbement les tableaux des plus grands maîtres qui croisent votre route et auquel vous ne jetez pas le moindre regard, tout attentif que vous êtes au but utile de votre visite dans cet espace culturel?
C'est, personnellement, une aventure qui m'arrive régulièrement et j'ai apprécié la manière avec laquelle Hervé Gauville raconte un tel événement dans son ouvrage. Ce n'est pas le point principal de son récit mais cela en fait partie et tout de suite, cela m'a placée dans une sorte de confiance vis-à-vis de cet ouvrage, comme si j'étais en territoire familier.

Nous sommes ici au Louvre, endroit rêvé pour ce genre de démarche! Le héros a une obsession, un portrait du Titien intitulé "L'Homme au gant" (voir le tableau original sous ce lien: http://www.picturalissime.com/titien_gant.htm)
Il le passe en revue, l'étudie sous toutes ses facettes, plonge dans le regard du personnage, tente d'en comprendre le mystère, imagine toutes sortes d'hypothèse à propos de cette main gantée…
La tâche n'est pas facile, les pistes sont multiples et notre visiteur persévérant passe de plus en plus de temps à vouloir percer le secret de cette peinture qui le fascine.
En cherchant à décrypter ce personnage, c'est également lui qu'il sonde, en fouillant au plus profond de lui, dans les méandres de sa psychologie, pour tenter de trouver quelques réponses à ses nombreuses questions.
L'enquête sera longue mais riche en enseignements divers.

En lisant ce court roman de Hervé Gauville, je n'ai pu m'empêcher de songer à "La Dormeuse de Naples" d'Adrian Goetz. Le principe d'écriture et de narration est certes différent mais cette fascination pour un tableau qui occupe toute une vie est identique. Gauville en parle très bien, il se place réellement dans la tête de son principal protagoniste et nous fait vivre en même temps que lui cette attirance pour une peinture dont on voudrait tout savoir.
Il existe également une perspective très intéressante dans ce roman, c'est celle du regard. Celui que l'on porte sur les choses et les autres. Subjectif, étrange, inexplicable, chargé d'émotion et de mystère. En analysant en détails l'obsession de cet homme, nous nous rendons compte de notre propre regard sur l'art et de notre manière de voir les objets.
L'écriture de Hervé Gauville est belle et fluide, on se laisse très vite emporter par son récit, qui n'est ni trop long ni trop court, parfait pour envisager une exploration intérieure ultérieure.