Lettres à Rilke, 1902-1925
de Hugo von Hofmannsthal

critiqué par Fee carabine, le 23 mai 2005
( - 50 ans)


La note:  étoiles
Entre le thé et les petits fours, la poésie
Hugo von Hofmannsthal (1874-1929) publia ses premiers poèmes dès 1890 et bénéficia d'emblée de la reconnaissance et des éloges d'Arthur Schnitzler. Il fut un talent précoce que Stefan Zweig n'hésita pas à comparer à Arthur Rimbaud: "Je ne connais pas d'autres exemples dans la littérature mondiale, mis à part Keats et Rimbaud, où, à cet âge, la langue est maniée avec une telle maîtrise, où l'envol vers l'idéal est d'une telle envergure, une telle imprégnation de la substance poétique dans la plus anodine expression du hasard...". Presqu'exact contemporain d'Hugo von Hofmannsthal, Rainer Maria Rilke (1875-1927) connut des débuts plus tardifs et eut bien plus de mal à se faire connaître. Rilke n'est donc encore qu'un écrivain débutant s'adressant à un auteur déjà reconnu lorsqu'il entame une correspondance avec Hugo von Hofmannsthal: une première lettre en 1899, restée sans réponse, une autre en 1902 qui reçut une réponse distante mais courtoise... S'en suivit une correspondance qui ne prit fin que peu avant la mort de Rainer Maria Rilke et qui témoigne de l'amitié qui se développa entre les deux hommes.

Hugo von Hofmannsthal a traversé une crise profonde - à la fois artistique et personnelle - dans les années 1899-1901. Une crise qui l'a vu renoncer à la poésie, qui selon ses propres mots force le poète à oeuvrer "dans l'air réservé aux aigles et dans un silence de mort", dans un monde rêvé où la vie se pétrifie, pour se tourner vers la prose, le théâtre, l'opéra (en collaboration avec Richard Strauss) et le conte, dans le même temps qu'il décidait de fonder une famille. Une crise qui a nourri toute son oeuvre ultérieure, et en particulier son admirable "Femme sans ombre" rédigée entre 1911 et 1919. En ouvrant ce volume de correspondance, j'espérais justement en apprendre un peu plus sur cette cuisine intérieure qui permit à Hugo von Hofmannsthal d'écrire ce conte qui transcende les limites du genre et qui relève tout autant de la poésie que de la prose. Mais force est de constater que les mondanités tiennent une place de choix dans la vingtaine de lettres conservées parmi celles qu'Hoffmannsthal a écrites à Rilke. Et finalement, les lettres les plus intéressantes sont celles où Hofmannsthal nous offre ses analyses fines et sensibles des oeuvres de Rilke, de "Malte Laurids Brigge" aux "Sonnets à Orphée".

En bref, ces "Lettres à Rilke" sont loin d'être indispensables, mais elles sont agréables à lire et elles peuvent apporter un complément intéressant à la lecture de certaines oeuvres de Rainer Maria Rilke. La correspondance proprement dite est en outre complétée avec beaucoup d'à-propos par deux notices biographiques retraçant brièvement la vie d'Hugo von Hofmannsthal et celle de Rainer Maria Rilke.