Barrio, le dernier ours des Pyrénées
de Dominique Brousse

critiqué par Sahkti, le 13 mai 2005
(Genève - 50 ans)


La note:  étoiles
Douleur tabou
Bouquin reçu un jour dans ma boîte aux lettres. J'ai d'abord cru que ça parlait d'ours, de vrais ours. Puis les dix premières lignes m'ont indiqué qu'on parlerait d'hommes et jamais d'ours.
Je l'ai lu d'une traite, prise par l'histoire, désireuse de savoir jusqu'où Martial irait dans sa quête de souffrance. Car il s'agit bien de cela : Martial sait qu'il va souffrir et il le cherche, il continue, poursuit sa route, veut lever le voile sur un mystère dont il ne connaîtra finalement jamais la véritable issue.
Les passages incessants entre présent et passé nous font, page après page, découvrir les étranges personnages qui composent le roman et dès que l'on pense détenir une ébauche de solution, un avis arrêté sur la question, blam, nouvelle interrogation. Tout le monde ment. Ou plutôt, tout le monde se ment. Cherche une vie. Le bonheur. Et fait tout pour que celui-ci lui échappe. On se prend d'affection pour un type qui était peut-être un monstre, on en veut à un jeune gars qui n'arrive pas à régler ses comptes avec le passé, on déteste une femme un peu moins jeune qui conduit deux personnes à la destruction.

Le sujet est délicat et, il faut le dire, devenu assez bateau dans la littérature contemporaine. Je ne pense cependant pas que ce soit sans précautions que Dominique Brousse a abordé ce thème de la pédophilie. Il le fait à mots couverts, désignant l’impensable sans tomber dans le voyeurisme ou le sensationnel. Je lui en saurai gré. Il n’en demeure pas moins que ce thème est difficile à appréhender, à accepter, à supporter, il reste tabou et douloureux à explorer, on le ressent dans toutes ces lignes. L’auteur évoque toujours, il n’affirme jamais. A nous de deviner, de juger. Que ferions-nous ? Agirions-nous comme Martial ? Comme Barrio ?

Peut-être pas un roman d'une qualité exceptionnelle. Maladroit par moments. Et encore, pas vraiment. Un essai, une approche timide de la question. Comment faire face à la douleur d’un enfant qui se souvient des années plus tard et qui cherche la vérité, qui ne sait pas ce qui s’est passé et ne le saura jamais. Au-delà de la pédophilie, il m’a semblé que c’était avant tout la blessure infligée par la rumeur, par le soupçon, par la peur au ventre, tous ces éléments qui ont poursuivi des années durant un jeune adulte qui ne peut plus assumer ces sensations désagréables.