Ce court roman de Kadaré, dont Giny a parfaitement résumé l'intrigue dans sa critique principale, est construit sur l'irruption du fantastique dans la vie quotidienne d'un village albanais, qui révèle les interdits et menace l'ordre établi. Mais il est, bien plus qu'un conte fantastique, un très beau récit d'amour et de mort ponctué de scènes très fortes. Kadaré évoque, avec un très grand talent d'écrivain, les légendes immémoriales de l'Albanie, qui font écho aux grands mythes universels, et l'âme de son peuple (tout le récit repose sur la "bessa", une promesse dont on ne peut se dédire) mais il sait les transcender pour poser des questions graves et profondes comme, ici, la confrontation entre la préservation de l'ordre social, fût-ce au prix de la vie d'un innocent, et l'exigence de la vérité, lorsque celle-ci est inadmissible.
Eric Eliès - - 51 ans - 5 juillet 2015 |