Un amour noir
de Joyce Carol Oates

critiqué par Sahkti, le 3 mai 2005
(Genève - 49 ans)


La note:  étoiles
Blanc + Noir = équation impossible
Nous sommes en 1912, dans l'Amérique raciste et mal-pensante.
Calla, de son vrai prénom, Edith, est une jeune fille élevée par des membres de sa famille (ses parents sont morts quand elle était assez jeune) qui n'ont de cesse de la marier. C'est que la gamine est étrange, éprise de liberté, souvent contrariante et n'en faisant qu'à sa tête; il faut s'en débarrasser. On lui trouve un riche paysan, silencieux, emprisonné au sein d'une famille étouffante. Le couple va tant bien que mal, Calla donne trois enfants à son mari puis estime qu'elle a fait son boulot et qu'elle peut reprendre ses errances. C'est alors qu'elle croise le chemin d'un sourcier, Tyrell, un homme noir qui attire les regards méfiants de toute la population. Ils deviennent amants. Leur histoire se terminera par un drame, mais ne sera pas pour autant close, Calla poursuivant un semblant de vie, recluse et incomprise par tous.

Joyce Carol Oates nous livre ici un court roman dont l'idée de départ est assez banale, la liaison interdite entre une bourgeoise blanche et un vagabond noir, à l'époque où les alliances mixtes sont vilipendées.
Ce qui différencie ce récit d'autres textes sur le même sujet, c'est l'atmosphère étrange que Oates dessine au fil des pages. Calla est une femme vraiment mystérieuse, qui agace et émeut à la fois. On se surprend à rêver avec elle de grands espaces et d'une solitude sans fin. On comprend l'oppression familiale, on lui en veut de délaisser à ce point ses enfants, on suit son parcours en s'en imprégnant totalement et sa fin de vie rend non pas triste, mais un brin mélancolique.
Texte court et dense, qui reste cruellement d'actualité si on en extrait les éléments de l'incompréhension, de la marginalité et du carcan social imposé par des normes pas toujours en adéquation.