Il est toujours difficile de parler de livres de poésie…
Il est encore plus difficile de parler de Haïkus, ces petits poèmes japonais en trois phrases de 5, 7, et 5 syllabes, soit une seule ligne en japonais.
Cette anthologie, outre la très bonne présentation des deux auteurs a aussi le mérite de nous faire connaître les «grands» noms du haïku et son histoire, il faut dire que Corinne ATLAN et Zéno BIANU sont deux très grands spécialistes du haïku.
Apparu sous la forme de tanka (poème court) en 760, il consiste alors en cinq vers de 5,7,5,7 et 7 syllabes. La première partie, ou hokku, doit évoquer la saison, la nature. Le hokku donnera naissance au haïkaï, et plus tard au haïku, devenu poème indépendant.
La période d’Edo (1600-1868) donnera les trois grands maîtres inégalés : BASHO, BUSON et ISSA.
Vieil étang -
au plongeon d’une grenouille
l’eau se brise Matsuo Bashô dit BASHO (1644-1694)
Dans le vieux puits
un poisson gobe un moustique –
l’eau fait un bruit noir Yosa BUSON dit BUSON (1716-1783)
Puisqu’il le faut
entraînons-nous à mourir
à l’ombre des fleurs Kobayashi ISSA dit ISSA (1763-1827)
A la fin du XIXème siècle le haïkaï est tombé dans l’oubli et n’est plus qu’un genre désuet, lorsque Masaoka SHIKI redécouvre BUSON, il fait du hakai une forme littéraire à part entière. Il renouvelle le genre et crée le terme «Haïku».
Sur le sable du rivage
à chaque trace de pas
le printemps s’allonge Masaoka SHIKI dit SHIKI
(1867-1902)
Le père fondateur du haïku moderne meurt à l’âge de trente-cinq ans, après avoir ébauché une réforme qui sera poursuivie et achevée par son disciple Kyoshi TAKAHAMA :
Seul
je polis mes poèmes
dans le jour qui s’attarde Kyoshi TAKAHAMA (1874-1959)
L’ère Taisho (1903-1926) verra l’âge d’or du haïku moderne avec notamment Sôseki NATSUME également disciple et ami de SHIKI et aussi célèbre romancier :
La lampe éteinte
les étoiles fraîches
se glissent par la fenêtre Sôseki NATSUME (1865-1915)
D’autres grands romanciers japonais écriront également des haïkus comme Ryûnosuke AKUTAGAWA ami de Sôseki, dont le nom est devenu aujourd’hui le prix littéraire le plus prestigieux du Japon :
Quelqu’un se noie encore
dans le Fleuve du Ciel –
cri Ryûnosuke AKUTAGAWA (1892-1927)
ou bien encore, et beaucoup plus connu chez nous, Eiji YOSHIKAWA… et oui l’auteur mondialement connu des romans historiques «La Pierre et le sabre» et de sa suite «La Parfaite Lumière» :
Dans la montagne d’automne
j’ai trébuché –
l’écho des pierres! Eiji YOSHIKAWA (1892-1962)
Le haïku se nourrit aujourd’hui du désordre des paysages urbains, de l'accélération de l’histoire, tout en restant simple et exigeant :
Faudra-t-il
traverser les nébuleuses
pour trouver un jardin de pierres? Toshio KIMURA
(né en 1956)
Notons enfin que depuis longtemps le haïku a débordé des frontières du japon et a été adopté par des écrivains et poètes de toutes nationalités :
Dans le givre du matin
les chats
avancent lentement Jack KEROUAC (1922-1969)
En conclusion ce livre est à lire par ceux que la poésie (et plus spécialement les haïkus) intéresse, mais aussi par les amateurs de civilisation japonaise et orientale, et enfin par ceux qui n’ont pas peur de se laisser envahir et submerger par leur propres émotions…
Septularisen - - - ans - 18 décembre 2007 |