Nietzsche et le nazisme de Arno Münster

Nietzsche et le nazisme de Arno Münster

Catégorie(s) : Sciences humaines et exactes => Philosophie , Sciences humaines et exactes => Histoire

Critiqué par Macréon, le 12 avril 2001 (la hulpe, Inscrit le 7 mars 2001, 90 ans)
La note : 6 étoiles
Moyenne des notes : 7 étoiles (basée sur 2 avis)
Cote pondérée : 4 étoiles (49 066ème position).
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Hitler était-il le

Mort en 1900, Nietzsche est certainement un des philosophes de génie qui ont façonné le visage et le destin du XXème siècle.
Les nazis se sont incontestablement inspirés de ses théories dans leur action. Mais Nietzsche a été abusivement utilisé par eux, sa pensée a été falsifiée, c’est ce que Arno Münster démontre dans son livre, à la suite de nombreux autres exégètes.
Né en 1844, son père était pasteur luthérien. Sa formation universitaire s'effectua en Thuringe, à l'université de Bonn (1864) et ensuite à celle de Leipzig, où il étudie la philologie (grec et latin) par laquelle il accédera à la philosophie. A 25 ans (1869), il est nommé professeur de philologie
classique (grecque) à l’université de Bâle, où il enseignera pendant dix ans.
Il est bouleversé par les atrocités de la guerre de 1870, rencontre et se sépare de Wagner, publie son premier livre " Ainsi parlait Zarathoustra " (1882), suivi d’autres ouvrages comme le Gai Savoir, Par delà le bien et le mal, Ecce Homo, l’Antéchrist, et bien d’autres. En 1889, il perd la raison (à Turin, il embrasse un cheval de fiacre) et termine une vie quasiment végétative auprès de sa mère et puis de sa soeur.
Très schématiquement résumé, Nietzsche invente le " surhomme ", ni un saint ni un génie, mais le contraire du bon et du chrétien : Dieu est mort et il faut en tirer toutes les conséquences. L’effondrement des valeurs dans la société induisent le nihilisme qu'il faut remplacer par une attaque en règle contre les mythes, les superstitions, la drogue. Il récuse la morale judéo-chrétienne et considère le Christ comme l'incarnation de l’amour pseudo-altruiste.
Volonté de puissance, puissance de la volonté, le surhomme, le fort se doit de créer, de donner. Sa meilleure incarnation est l'artiste. L’homme fort aime le risque tandis que le faible cherche des appuis : c’est la morale des esclaves.
Celle-ci n’avait aucune place dans l’univers des " valeurs " nazies et la machine de propagande hitlérienne ne s’est pas gênée : Hitler se fait photographier auprès d’un buste de Nietzsche, il prend sous sa garde les archives et des manuscrits du maître
(grâce à la soeur de Nietzsche, nazie de la première heure, antisémite notoire, et qui voit en Hitler l’incarnation du “ surhomme " annoncé par Zarathoustra). Ses textes sont lus aux cérémonies du Reich. Bien plus, à lire certains écrits du philosophe, la pensée du maître colle de façon hallucinante à la personnalité et à l’action du dictateur allemand (Mussolini, lui aussi, avait lu tous les livres de Nietzsche) : culte de la force, volonté de puissance, mépris pour les faibles, apologie de la guerre, voire certains concepts de race forte, hostilité à l'égard de la révolution socialiste et du marxisme. On a pu penser que, même si les nazis ont tronqué copieusement sa pensée, l'aura et l'influence du philosophe ont joué un rôle important dans leur action.
Arno Münster, auteur de plusieurs livres (Emmanuel Levinas) signe cet ouvrage bien documenté et sans parti-pris ; il explique que Nietzsche n’était nullement antisémite, au contraire. Les nazis ont certes utilisé des thèmes et des écrits du philosophe, mais ils ont aussi fait des concessions au christianisme (vomi par Nietzsche), du moins sur le plan formel, (concordat signé par le Vatican en 1936), et cela malgré une répression qui se traduisait par l'arrestation de prêtres et de pasteurs ayant manifesté leur opposition au régime. Mais la nouvelle loi allemande a ajouté aux cérémonies conservées le mariage allemand sous le chêne, les incantations au soleil, la fête des saisons, le rituel de l’initiation au baptême nouveau, une nouvelle liturgie pour les funérailles...
Les différences entre la pensée de Nietzsche et de celle des Rosenberg et consorts sont fréquentes : Nietzsche rejette l'Etat (“ le plus froid des monstres froids, ni pasteur, ni troupeau "). Il prône la société des génies, la primauté de l'intelligence, le culte de la culture.
Il y aurait tant d'autres précisions à donner, mais la pensée de Nietzsche est tellement paradoxale, aux nombreux reflets, que la place nous manque. On sait que le philosophe a été très longtemps ostracisé après la guerre. Il nous semble néanmoins que les conséquences amères du plus influent penseur du XXe siècle sautent aux yeux :
Nietzsche a inspiré de très nombreux dictateurs dont les victimes se comptent par centaines de millions d'hommes. C'est un bilan tragique qui est oublié par certains. Nietzsche a d’emblée mis en cause les revendications de la philosophie sociale, à savoir celles de l'égalité, de la justice sociale, celle de la démocratie ainsi que les postulats de l'éthique chrétienne, telles la compassion.
Il est vrai que Nietzsche, ce penseur génial au style éblouissant n’est pas le seul responsable des troubles de l’Europe et du monde survenus au cours de ce siècle qui s’est enfoncé profondément dans la barbarie, sous la conduite des athées militants comme Hitler, Staline, Pol Pot et tant d’autres.

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Les éditions

  • Nietzsche et le nazisme [Texte imprimé] Arno Münster
    de Münster, Arno
    Éd. Kimé / Collection Philosophie, épistémologie (Paris).
    ISBN : 9782841740185 ; 19,30 € ; 01/11/1998 ; 160 p. ; Broché
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Friedrich... cependant

7 étoiles

Critique de Pendragon (Liernu, Inscrit le 26 janvier 2001, 53 ans) - 17 avril 2001

Je n'ai pas lu le livre d'Arno Münster, je le signale d'emblée, mais il me semble qu'il s'agit là d'un ouvrage très intéressant au vu de la très bonne critique de Macréon. Cependant, j'ai beaucoup lu Nietzsche... et je tenais simplement à signaler que, pour moi, à mon humble avis de néophyte, la pensée fort simple (simpliste et simplifiée) qui ressort des écrits de Nietzsche, même s'il est vrai que ses idées sont complexes et partent dans tous les sens, est la suivante : "l'homme a besoin d'être surmonté". Point. L'explication de cette courte phrase est donnée dans son Zarathoustra : un homme digne de ce nom ne devient humain que lorsqu'il cherche sans cesse à s'améliorer. Point. Il n'y a pas là vraiment de quoi s'inquiéter ou crier à l'élitisme, à l'anti-christianisme ou pire au nazisme. Il ne s'agit que d'une manière de vivre en cherchant l'amélioration de soi (sociale, intellectuelle, mais aussi humaniste et proche de l'"autre"), l'amélioration dans tout ce qui nous touche, nous, humains. Voilà, ceci n'était rien d'autre qu'une petite réaction à chaud sur Nietzsche...

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