Auschwitz graffiti
de Adrien Le Bihan

critiqué par Sahkti, le 11 avril 2005
(Genève - 50 ans)


La note:  étoiles
Les mots pour le dire
Il existe au Musée d'Auschwitz un livre d'or que ceux qui visitent le camp, s'ils sont notables, sont invités à signer. On peut y découvrir un certain nombre de propos dus à des chefs d'État ou de gouvernement, des stars de cinéma, des sportifs mémorables...
Les considérations morales ou les états d'âme qu'inspirent à celui qui passe par là les vestiges de l'horreur absolue s'inscrivent sûrement dans un registre littéraire des plus hasardeux... Soit que le signataire ait préparé, avant sa venue, le couplet censé traduire son émotion. Soit que, pris de court, il cherche malaisément ses mots. Dans le premier cas, il aura l'air de manquer cruellement de spontanéité. Dans le second, il semblera souvent manquer de réflexe. Au total, la singulière anthologie qui contient ces fragments d'une rhétorique collective, que l'on doit à une kyrielle d'hommes illustres, regorge de platitude, d'insincérité, de niaiserie...
Le général Moczar, grand antisémite devant l'Éternel, ne croit pas utile de mentionner le peuple qui fut, ici, martyrisé. Et Fidel Castro nous assène une filandreuse diatribe contre l'impérialisme et le capitalisme. D'autres amalgament Auschwitz et Hiroshima. Jacques Chaban-Delmas y va d'un petit poème en forme de ritournelle où les mots "aurore", "amour", "espérance" se télescopent bizarrement dans le projet insensé de contre-balancer l'abjection du crime. "Never again", formule sobrement Jane Fonda.
Peu de clichés nous sont épargnés. Dérisoires inepties de Bush senior, équivoques que laissent subsister Waldheim et Mitterrand.

Adrien Le Bihan s'est attardé à la lecture de ces pages et des sentences inscrites. Il montre comme la minceur du vocabulaire renvoie à l'indigence des sentiments exprimés par la majorité des scripteurs. Et lorsque ceux-ci s'en retournent satisfaits d'avoir échappé au langage commun, le résultat, souvent, est plus désastreux encore. Tant de fatuité le dispute, alors, à l'obscène misère de la pensée.
Bien embarrassé, conclut l'auteur, celui qui devrait choisir entre leurs graffitis, ou leurs silences, pour illustrer le devoir de mémoire.
Pas facile l'esprit, sur le vif ! 6 étoiles

A choisir, il vaut mieux encore un banal et sincère "Plus jamais", fut-il en anglais, qu'un bla-bla ronflant et déplacé. Ce serait certainement + à leur honneur qu'ils restent sans voix, vaincus par l'émotion, que volubiles à tort et à travers.

Sarvane - BOURGES - 59 ans - 27 avril 2005


Pas terribles nos gouvernants! 4 étoiles

Je suis récemment tombée sur cet ouvrage dans une librairie et comme votre commentaire m'avait mis l'eau à la bouche, je l'ai parcouru en long et en large; j'ai été frappée par la banalité et la médiocrité des propos tenus par des rois, des premiers ministres et des personnalités du beau monde. C'est d'un plat! Ils doivent pourtant avoir à disposition une floppée de scribes tout prêts à leur rédiger une phrase qui marquera l'éternité! C'est étonnant de voir à quel point ils restent muets devant la page blanche, je ne crois pas que ce soit dû au choc causé par le lieu, ça doit plutôt s'apaprenter à un manque de naturel et d'esprit d'improvisation.

Sonia_P - Honfleur - 55 ans - 21 avril 2005