Keetje
de Neel Doff

critiqué par Nirvana, le 7 avril 2005
(Bruxelles - 51 ans)


La note:  étoiles
Admirable récit autobiographique!
Deuxième volet d'une trilogie largement autobiographique, qui nous raconte la vie de Neel Doff, "Keetje", qu'elle a écrit quand elle avait soixante ans et qui fut publié en 1919.
Une très belle découverte pour moi, d'une romancière à la vie difficile qui put triompher des épreuves, comme raconté ici dans ce deuxième tome. L'écriture, précise et descriptive des romans naturalistes, la fit d'ailleurs comparer à Colette, mais avec un ton combien plus poignant car c'est "juste" sa vie qu'elle nous raconte....

Ce deuxième volet commence un soir comme un autre, avec le départ de Keetje, seize ans, qui sous la protection de sa mère la suivant de loin, va se prostituer pour ramener un peu d'argent à sa famille, afin de nourrir ses petits frères et soeurs. Malgré la sensation de souillure et le sentiment d'être une moins que rien, Keetje garde une grande ouverture d'esprit, et a l'âme artistique. Elle pose également pour des peintres, profitant de l'occasion pour s'instruire. Elle apprend énormément par ses lectures, qui lui permenttent de réaliser que la misère et les taudis, les humiliations vécues n'enlèvent rien à son intégrité.
Elle rencontre un jeune intellectuel avec lequel elle s'installe, qui l'ouvre véritablement au monde.Elle apprendra le français, ira même au conservatoire, pour le théâtre d'abord, le chant, ensuite.
Et quand les parents de son amant, appréciant peu ses origines, l'éloignent de leur fils atteint d'une grave maladie, elle luttera encore pour rester à ses côtés afin de combattre celle-ci qui l'emportera après quatre ans de souffrances.
Elle se retire alors à la campagne pour vivre paisiblement.

C'est donc un récit largement autobiographique, où l'on cotoie la misère des taudis du quart-monde, dans un Bruxelles d'il y a 135 ans.
Cette grande dame qui m'était inconnue (pourtant je suis belge/ bruxelloise) inspire le respect. Apparemment condamnée par sa position de prostituée prolétaire, elle sortira de sa condition à force de volonté et de foi en elle. Je vous livre un passage qui est pour moi poignant, où elle découvre "Les confessions" de Jean-Jacques Rousseau, (p.72).
"Jamais aucun livre ne m'avait tant remuée...Il avait eu de la misère comme moi, il avait été mercenaire comme moi, il avait vécu de charité comme moi...et, chez Madame de Warens, n'avait-il pas dû tout accepter de ses mains?...
Il y avait donc eu des misérables qui avaient osé parler et ne pas cacher leurs souffrances et leur avilissement involontaire...Puis était-ce un avilissement quand on avait été contraint? Est-ce que l'avilissement ne vient pas d'actes volontaires et choisis?"

Un très beau roman, donc, qui parle "juste", qui m'a fait découvrir certains aspects de ma ville dans les années 1870, des endroits familiers, comme les Marolles, le Bois de la Cambre, La Hulpe....L'auteur est née en Hollande, en 1858, ses parents émigrèrent en Belgique, pour essayer d'échapper, sans succès, à la misère. Neel Doff s'éleva seule, à force de volonté, et pris la plume à plus de cinquante ans, pour se raconter dans un langage poétique, familier, plein d'espoir et d'humilité. Un auteur qui devrait être mise au programme scolaire dans les écoles belges!!