Homme invisible à la fenêtre
de Monique Proulx

critiqué par Eireann 32, le 4 avril 2005
(Lorient - 77 ans)


La note:  étoiles
Max et les cœurs brisés.
Max est peintre et paraplégique. Son appartement atelier sert de refuge à tout un tas d’amis plein de problèmes personnels.
Un jour, une nouvelle voisine (Lady) vient s’installer dans l’appartement en face, il la voit à la fenêtre et se souvient de son adolescence, de son ami Purple. Et sa vie bascule, Lady lui téléphone la nuit, il revit l’accident, cause de son état, la trahison de cette femme. Il fait mettre des rideaux à sa fenêtre, continue sa vie, reçoit ses amies et amis, mais la tentation est là.
Ce roman est peuplé d’une foule de marginaux très attachants, Max, habite pratiquement seul dans son immeuble, qui semble promis à la démolition, sur sa chaise roulante (Rossinante), il règne sur son monde et ses émotions, jusqu’au jour où Lady réapparaît. Mortimer, peintre aussi, mais de viande sanglante, qui empile les steaks pour en faire des œuvres d’art, a une liaison avec Maggie, blonde superbe, sensuelle et sexy dont la vocation première paraît être de prendre des coups de son mari ou de ses amants. Julienne, la mère, est là qui prépare des repas «de quoi digérer de travers pendant plusieurs vies après la mort». Julius le propriétaire, gros, gras et goinfre, dont les femmes sont la seule préoccupation, et qui se fera tabasser par le père d’une fillette de 10 ans qu’il avait invité au restaurant.
Suivre ce livre est parfois ardu, surtout quand intervient Julius Einhorne (Enorme?) qui est anglophone. Les phrases commencent en anglais, reviennent au français et parfois se finissent en anglais. A part ce léger inconvénient (pour un non-bilingue)cette écriture est très imaginative. Quelques exemples : « …l’ambulance dévale le boulevard sur deux roues et que le blessé perd ses liquides sur le béton, inutilement, là où rien ne pousse ». Le propos est souvent sarcastique mais lucide :
« Lui : Lui, il t’aime.
Elle : L’amour. Il n’est pas question d’amour, il est question de sortir le rôti du four et de déboucher les bouteilles de Saint-Emilion et de planifier les repas de la fin de semaine pour savoir si on doit acheter du blanc ou du rouge ». Parole de Max qui avait crevé avec son fauteuil roulant «J’ai besoin de marcher un peu avant de rentrer, c’est ce que je leur dis sans rire».
Les Proulx, canadienne et américano-canadienne sont de sacrées écrivains.
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Max est un peintre en chaise roulante. Autour de lui orbite une galaxie de personnages – une mère poule – un adolescent naïf – une névrosée – un proprio obèse, des personnages qui vont choisir de poser nu ou se mettre à nu devant l’artiste. Et puis il y’a Lady, resurgissant du passé, d’avant le « big bang », l’accident qui a paralysé Max sous la ceinture. Que veulent donc tous ces amis?

Monique Proulx, c’est avant tout une écriture brute, agressive, ici grandement influencée par la détresse du narrateur. Le résultat est un livre où la rage et le cynisme sont omniprésents :

« Je me souviens de sa confiance immédiate comme d’une injure, en même temps. Il n’y a que les très jeunes enfants, les vieillards bavotants – et les infirmes – dont on ne se méfie pas. »

« Je sais bien, hélas, que les femmes qui se pelotonnent contre moi sont des boat people épouvantées qui fuient les radeaux trop râpeux de l’existence, qui se languissent du paradis originel où pullulaient sur une terre enfantine des êtres mous, des animaux non combatifs. »

Et bien que cette prose soit remarquable, à la longue les phrases interminables, lourdes de sens ne laissent pas de répit au lecteur. De plus, même si on plonge dans l’intimité de ces gens, je n’ai pas eu l’impression de les connaître vraiment, comme des hologrammes qui s’évanouissent entre les doigts.

Un brillant exercice de style mais surtout une histoire sombre, déroutante, laquelle n’a jamais réussie à m’aspirer.

Aaro-Benjamin G. - Montréal - 55 ans - 28 juillet 2005