Maitresses Cherokees
de Josée Yvon

critiqué par Libris québécis, le 1 mars 2005
(Montréal - 82 ans)


La note:  étoiles
Lesbiennes en perdition
Depuis 1960, le Québec a pris un virage qui l’a propulsé vers la modernité. On a tout reconstruit en dehors des sentiers battus, se débarrassant sans discernement de toutes les valeurs qui avaient assuré notre cohérence devant le conquérant anglais déterminé à transformer les francophones en de loyaux sujets britanniques. Fort de notre survivance, le Québécois n’avait plus qu’à afficher son désir de souveraineté afin de se doter des outils nécessaires pour s’affirmer davantage dans une mer anglo-saxonne. Dans la foulée de la renaissance, les artistes en ont profité pour tracer les sillons que, dorénavant, les Québécois devaient suivre.

En art et en littérature, la contre-culture se manifeste d’abord par une remise en question de la rectitude. Cette volonté de changement s’est accompagnée de provocations afin de détruire définitivement tout esprit iconoclaste. À l’instar de la beat generation, nos artistes se sont montrés très irrespectueux des valeurs qui nous ont permis de survivre jusqu’en 1960. Comme des jeunes qui veulent s’affirmer, ils ont eu recours à l’effronterie comme Robert Charlebois et Plume Latraverse. Ils ont emprunté en particulier un discours vernaculaire, croyant qu’il était le seul capable de traduire le vent de liberté qui soufflait enfin sur le Québec.

Josée Yvon est une poétesse qui suit ce sillage de l’affirmation en prônant un comportement qui renouvelle notre manière d’être présents au monde. À travers ses œuvres, elle véhicule une sexualité ouverte sur la pornographie, un langage populaire voisin de la vulgarité. Comme ses pairs artistes, elle espère, j’imagine, par la glorification des dérèglements provoquer un nouveau consensus autour d’un contrat social qui engloberait les milieux subversifs. Dans Maîtresses-Cherokees, un univers urbain des plus déraisonnable détruit quatre lesbiennes incapables d’afficher leurs blessures. Victimes de l’intolérance, elles ont connu des mondes d’hommes qui les ont abandonnées à leur sort, et parfois avec des enfants qui sont devenus des transsexuels pour servir de guides à ces femmes en quête d’un bonheur inaccessible. Leurs demandes sont de l’ordre du borderline, même dans un monde ouvert. Ce sont des toxicomanes qui noient leur mal existentielle dans des dérivés qui les rapprochent de leur corps mais qui les éloignent de la survie. Sexualité, drogue, tatouages, masochisme forment un cocktail assez explosif.

L'esprit subversif de Josée Yvon a plu à l’underground états-unien. Son œuvre poétique emprunte des sentiers inconnus pour que l’on sache que la vie ne se limite pas aux diktats des conventions sociales. Ses héroïnes ne veulent pas marcher dans les sillons qu’on leur a tracés. Même si l’auteur parvient à tracer le portrait douloureux des lesbiennes, il n’est pas sûr que l’on adhère à ce modèle névrotique. Un extrait témoignera mieux qu’un compte rendu du mal de vivre de ces femmes. « Infra-rouges, les tournesols les sauvent des cercueils de mahagonny elles eurent le plaisir de changer vite mélangeant le dektol avec le fix sans vocation de paraplégique chambreuse elles sont des heurts dans le secrétariat confort-vieillesse irrémédiable plus les mêmes. » P. 131.