L'homme de neige de David Albahari

L'homme de neige de David Albahari
( Snežni čovek)

Catégorie(s) : Littérature => Européenne non-francophone

Critiqué par Fee carabine, le 28 février 2005 (Inscrite le 5 juin 2004, 50 ans)
La note : 7 étoiles
Moyenne des notes : 8 étoiles (basée sur 2 avis)
Cote pondérée : 5 étoiles (39 865ème position).
Visites : 5 581  (depuis Novembre 2007)

L'épreuve de l'étrangeté

Par un jour d'automne, un écrivain "ex-yougoslave" débarque dans une ville nord-américaine, qui pourrait être Calgary où vit l'auteur, écrivain "ex-yougoslave" lui aussi, ou qui pourrait tout aussi bien être Hamilton, avec l'étendue de ses quartiers résidentiels alternant maisons proprettes entourées d'un jardinet soigneusement clôturé, les tours à appartements et les centres commerciaux... Assommé par la fatigue du voyage et le décalage horaire, notre héros est d'emblée submergé par un sentiment d'étrangeté au moment de s'installer dans la maison qui sera sa demeure pour les quelques mois que durera son séjour. A vrai dire, il prendrait volontiers ses jambes à son cou et le premier avion au départ pour la mère-patrie, n'était sa fatigue et la bouteille de jus d'oranges qu'il avait expressément exigé de trouver dans son frigo dès son arrivée. Quelques verres de jus d'oranges (le héros de "L'homme de neige" en fera une abondante consommation tout au long du livre) et une nuit de sommeil plus tard, ce sentiment d'étrangeté ne fait que s'accentuer alors que notre écrivain prend ses fonctions d'"auteur-en-résidence" à l'université de la ville...

En 114 pages bien tassées (le livre ne comporte qu'un seul paragraphe), David Albahari fait de nous les témoins de la dissolution d'un être en but à la perte de tous ses repères familiers, une dissolution qui n'a rien à envier à celle de sa patrie "ex-yougoslave" où les menaces de guerre se font de plus en plus précises, une dissolution qui menace aussi l'attention du lecteur quelque peu noyé sous ce torrent de phrases. Les mots et les idées s'enchaînent en effet les uns aux autres sans logique apparente (on voudrait pouvoir respirer de temps en temps!) et il s'en faut de peu que l'intérêt du lecteur ne s'émousse. Mais heureusement, David Albahari distille juste ce qu'il faut de vitriol, d'humour mordant voire carrément féroce, pour que l'on éprouve l'envie de continuer à tourner les pages malgré le risque d'asphyxie. Ah! Ce professeur de sciences politiques parfaitement obtus, jugez plutôt de la profondeur de sa pensée; "Quand un état se disloque, on peut difficilement faire tenir ensemble les diverses parties du corps". Et ces portraits-charges des troupeaux d'étudiants boutonneux, digérant gentîment le prêt-à-penser que leurs professeurs leur prodiguent généreusement...

Au final, "L'homme de neige" confronte ses lecteurs de façon radicale à l'épreuve de l'étrangeté, du déracinement et de la perte des repères. C'est un bon livre que David Albahari nous donne là, même s'il est moins abouti que "Goetz et Meyer" (également publié chez gallimard, dans la collection "Du monde entier") que je profite de l'occasion pour vous recommander très chaudement!

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Autobiographique?

8 étoiles

Critique de Sahkti (Genève, Inscrite le 17 avril 2004, 50 ans) - 15 août 2006

Pas grand-chose à ajouter à la belle critique de Fée. J'ai été frappée par la force et la justesse avec lesquelles l'auteur arrive à faire passer ces notions de déracinement et de pertes de repères. On a, par moments, l'impression de ressentir personnellement tout cela.

Un entretien accordé par David Albahari au Nouvel Observateur indique que "Je me suis installé au Canada en 1994. "L'Homme de neige" est le premier livre que j'ai écrit sur place, à partir des sentiments que j'avais moi-même ressentis en quittant mon pays. Je me souviens que personne, au Canada, n'arrivait à imaginer d'où je venais vraiment, ni quel sentiment d'exil et de perte je pouvais éprouver. Je me sentais en paix, ce qui était doux, agréable, mais je sentais aussi que la guerre m'appelait. (...) Lorsque des Canadiens m'en parlaient, c'est comme s'ils débattaient devant moi de ma vie privée. Ils croyaient tout comprendre, mais je continue de penser qu'ils n'y comprenaient rien."

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