Véréna et les hommes
de Hugo Marsan

critiqué par Sahkti, le 24 février 2005
(Genève - 50 ans)


La note:  étoiles
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Marcel Merson est un écrivain à succès, un romancier qui a goûté aux joies de la vie, notamment grâce à son compagnon Lucien, aujourd'hui parti et laissant Marcel en proie aux souvenirs des bons moments de leur liaison. De nature cynique et narquoise, Marcel vit entouré d'une clique d'amis qui l'aiment et le détestent, supportent avec patience son talent d'encyclopédiste qui sait tout mieux que tout le monde et l'écoutent sans broncher se complaire dans ce rôle d'homme sûr de lui. Evidemment, on l'aura compris, le lecteur réalise très vite qu'il n'en est rien et que sous ses apparentes certitudes, Marcel est un homme fragile. Face à cette cruelle réalité, il décide de tout quitter pour Belle-Ile, décidé à affronter la solitude et explorer les tréfonds de son âme.
Les amis seront cependant invités à participer à cet exil au bout de quelques semaines. Démarche étrange. Le petit groupe d'amis, si hétéroclite, composé de caricatures humaines, d'êtres tourmentés condensant à eux seuls tous les soucis du monde, sera-t-il d'une grande aide à Marcel dans sa démarche?
Un processus psychologique s'engage, dans lequel chacun est confronté aux autres mais aussi à ses propres pulsions. Pas de remake des "Dix petits nègres" ici mais un jeu tout aussi subtil et dangereux dans les relations nouées les uns avec les autres. Intrigues et dénouement, passion et larmes, présences incertaines, mémoires enfouies choisissant enfin le chemin de la liberté… A travers les affrontements de ses proches, qu'il observe avec gourmandise, Marcel Merson dressera son propre bilan moral et apprendra à se regarder en face.

Hugo Marsan, Marcel Merson… y a-t-il de l'autobiographie derrière tout cela? Aucune idée et peu importe finalement, le style emporte tout sur son passage et Hugo Marsan révèle un véritable talent de jongleur de destinées. Son récit est dense, rythmé, les personnages se croisent et se décroisent, beaucoup de rires et de souffrance, d'amour charnel et spirituel et, ce qui m'a surtout frappée, c'est cet effet de miroir, ce grossissement des âmes lorsqu'elles contemplent les autres et y projètent inconsciemment ce qu'elles cachent en elles. D'agaçant, Merson devient pathétique puis attachant. Son désespoir, mêlé à une clairvoyance étonnante, force l'admiration, on a envie qu'il aboutisse au but de sa quête et finisse enfin par se retrouver tel qu'il est, qu'il arrête de se cacher.