Sous le pont Mirabeau
de Madeleine Bourdouxhe

critiqué par Sahkti, le 16 février 2005
(Genève - 50 ans)


La note:  étoiles
Sur les routes de l'exode
Cette nouvelle d'une cinquantaine de pages raconte le cheminement d'une jeune maman, avec son bébé de quelques jours dans les bras, sur les routes de France pendant l'exode.
On la découvre quittant la maternité et sillonnant villes et villages à la recherche de sécurité, d'un peu de chaleur et de quoi manger. Il n'y a pas à proprement parler de fin à ce texte, la nouvelle s'interrompt sur une note d'attente, peut-être de l'espoir, peut-être de la résignation, peut-être les deux.

Pas de scènes de guerres, d'anecdotes sanglantes ou de situations violentes... c'est une longue marche vers le soleil et le calme que la narratrice, qui garde constamment ses distances avec le lecteur pendant le récit, entame sans grande conviction, subissant sans se plaindre le sort qui est le sien, observant sans trop comprendre ce qui lui arrive. Il faut dire que c'est un bouleversement complet pour elle. A peine maman, elle n'a pas le temps de s'habituer à ses nouvelles tâches et au petit être qu'elle serre contre elle que la voilà embarquée dans une voiture, quittant tout ce qu'elle a pour le parfait inconnu.

Il n'y a pas dans ce texte de Madeleine Bourdouxhe, contrairement à d'autres auteurs qui ont traité le sujet de l'évacuation, de colère ou de révolte. Il y a une grande résignation et beaucoup de réflexions intérieures mais tout se déroule sur le même ton, pas de chaos ou de heurts imprévus. Il se dégage du coup de ces lignes une torpeur qui ferait presque oublier que nous sommes en guerre et que cette femme, comme tant d'autres, fuit les bombardements.
Sans doute pour l'auteur, qui a elle-même connu les difficultés de l'exode en compagnie de son bébé et de son mari, un moyen d'apprivoiser ses souvenirs et de les regarder en face, d'en tirer une leçon sous forme de symbole, lorsqu'en clôturant son écrit, elle souhaite à sa toute petite fille de devenir une femme, une vraie et qu'elle dit aux oiseaux de mauvais augure "Que le silence soit. Afin qu'il n'y ait point de place aux blasphèmes."

A signaler l'intéressante analyse de Marie-Julie Hanoulle en seconde partie du livre, qui nous propose sa vision du texte et tente d'en dégager tous les symboles qu'il recèle.
En musique 9 étoiles

Au long des 50 pages de cette nouvelle, nous suivons une toute jeune mère et sa petite fille sur la route de l'exode.
Un grand calme se dégage de ce récit. Sans nier la gravité des événements, pas de colère, pas de cris… Juste cette jeune mère, sa fille et les rencontres qu'elles font tout au long de leur chemin.
Cet ouvrage est, à mon sens, d'une musicalité rare. Il se lit comme on écoute un concerto ou une nocturne de Chopin. L'auteur joue avec les mots, avec les phrases, les répétitions parfois, pour nous emmener avec elle.
Une comptine enfantine se retrouve en début et en fin d'ouvrage, comme une manière de clôturer ce qui ne l'est pas réellement...

Jo - Quelque part au coeur des Ardennes - 47 ans - 8 février 2008