La démence du boxeur
de François Weyergans

critiqué par Sahkti, le 14 février 2005
(Genève - 50 ans)


La note:  étoiles
Ma vie est un cinéma
Melchior Marmont a 82 ans, il vient, après des années d'attente, d'acheter la maison qui a bercé son enfance. Le Château Saint-Léonard, lieu des premières joies, des premiers doutes, des premiers questionnements sur la vie...
Melchior est producteur de cinéma, il est né avec le 20e siècle et a grandi avec lui, il a côtoyé les plus grands acteurs et réalisateurs, il a fréquenté assidument Hollywood avant de revenir faire son cinéma à Paris.
Au crépuscule de sa vie, il se souvient. L'acquisition de la demeure associée à la première partie de sa vie provoque le jaillissement de tous les souvenirs enfouis, de tous les regrets, de tous les espoirs également.
Car comme le dit bien Melchior: "Il plaignait ceux qui se déclarent satisfaits de la vie qu'ils ont menée. Il n'aimait pas les gens qui se rassurent à bon compte. Il se disait "Je n'accepte pas ma vie telle que je l'ai vécue. Je peux la faire basculer jusqu'au dernier moment! Je ne dirai jamais que si ma vie était à refaire, je la referais de la même façon. Je suis content d'avoir des regrets." (page 146)

Ce livre, c'est la vie de Melchior, ses mémoires dans le désordre, les tranches de vie qu'il a ratées, celles qu'il aimerait recommencer et toutes celles qu'il espère encore vivre.
C'est long une vie et j'ai trouvé que par moments, cela se ressentait à la lecture. Trop d'anecdotes, trop de détails, sans jamais véritablement entrer dans l'âme du bonhomme. Il se livre sans se confier, il énumère en surface, il survole sans jamais saisir sa douleur ou sa nostalgie à pleines mains et lui tordre le cou ou l'affronter. Cela crée un côté lisse et glissant du récit qui est un peu décevant car l'écriture de Weyergans est belle et sensible, mais elle manque ici d'une certaine profondeur pour décrire la situation telle qu'elle est: dramatiquement optimiste. La fin ajoute à cette dimension d'être passé à côté de quelque chose, je la sentais venir et en même temps, j'espérais me tromper car c'était trop facile d'en terminer ainsi, sans aller au fond des choses.

Dommage car l'ouvrage recèle de bons moments comme ces aventures cinématographiques que Melchior Marmont narre par le détail, ses rencontres avec le beau monde, l'évolution du cinéma qui a perdu une partie de son âme en gagnant en technique. Une belle rétrospective de décennies d'images et de rêves filmés.

Pourquoi "La démence du boxeur" à propos? C'est le titre du seul film que Melchior Marmont tournera lui-même, à l'aube de ses 82 ans. Un titre choisi car "son film racontait la vie d'un homme, plus ou moins calquée sur la sienne, qui établissait le solde, sur un ton amer et amusé, des coups qu'il avait donnés et reçus." (page 223)