L'amulette
de Michael McDowell

critiqué par Poet75, le 18 novembre 2025
(Paris - 69 ans)


La note:  étoiles
Frissons garantis
Les éditions Monsieur Toussaint Louverture poursuivent la parution, belle et soignée, de l’ensemble de l’œuvre de Michael McDowell (1950-1999) avec L’Amulette, premier des romans écrits par cet auteur, qui le fit publier en 1979. C’est une variation très américaine et très « gore » d’un sujet qu’exploitèrent, entre autres, Richard Wagner dans sa tétralogie de L’Anneau du Nibelung ou, au cinéma, Anthony Mann dans Winchester ’73. Dans tous les cas, il est question d’un objet qui porte malheur à tous ceux à qui il échoit : l’or du Rhin dans les quatre opéras de L’Anneau du Nibelung ; la carabine Winchester ’73 dans le film éponyme. Dans le roman de Michael McDowell, il s’agit d’un objet d’apparence beaucoup plus anodine, une amulette, objet qui, cependant, sans qu’il y ait d’explication réellement plausible, répand la terreur et la mort autour de lui.
L’histoire se déroule en 1960 en Alabama. Alors qu’il s’apprête à partir au Vietnam pour y participer à la guerre, un certain Dean Howell est victime d’un terrible accident sur un champ de tir. Après un séjour à l’hôpital, il est ramené chez lui, le visage et le corps entourés de bandages et ne survivant que dans un état végétatif. Pour Sarah, sa femme, commence alors la kyrielle de jours et de jours de fatigue puisque, en plus de son travail dans une usine d’armement, il lui faut non seulement s’occuper de son mari léthargique mais également obéir aux ordres de Jo, sa belle-mère obèse et acariâtre qui accuse la ville entière ou, en tout cas, tous les employés de l’usine d’armement d’avoir fabriqué le fusil défectueux qui a explosé entre les mains de son garçon. C’est elle, la belle-mère, qui met en circulation l’amulette maudite, objet qui, passant d’une personne à une autre, souvent de manière improbable, provoque invariablement le chaos et la mort.
Michael McDowell n’y va pas de main morte, lui, il faut le préciser, quand il s’agit de raconter des scènes de carnage, faisant monter l’horreur et le gore jusqu’à les faire culminer, à la fin de l’ouvrage, de manière sidérante. Âmes sensibles, s’abstenir ! En fait de morts sanglantes, l’imagination de l’auteur semble n’avoir aucune limite : attaque de porcs, corps broyé dans une machine agricole, crâne scalpé par des produits chimiques, etc., etc. C’est à se demander si le romancier n’éprouve pas une certaine complaisance à décrire des scènes d’épouvante du style le plus sanguinolent possible.
Ces réserves étant spécifiées, il faut souligner combien notre auteur se distingue par son sens du récit bien construit, bien mené, de manière à captiver le lecteur sans jamais le lâcher. Certes, Michael McDowell ne renouvelle aucun genre littéraire mais il en possède à merveille tous les ressorts, ce qui suffit amplement à satisfaire le lecteur, même le plus exigeant. Ajoutons à cela qu’il rend compte, l’air de rien, des particularités de l’Amérique, en l’occurrence de l’Alabama, entre autres de la ségrégation raciale qui y est toujours pratiquée dans les années 1960. Tout cela étant précisé, l’on peut affirmer que, dès ce premier roman, McDowell fait preuve d’un vrai talent de romancier, un talent qui se confirme brillamment dans ses œuvres successives, en particulier dans les six volumes de la saga Blackwater, incontestable sommet de toute sa production.