La dot de Sara
de Marie-Célie Agnant

critiqué par Libris québécis, le 27 janvier 2005
(Montréal - 82 ans)


La note:  étoiles
La femme haïtienne
Quatre écrivains haïtiens ont conquis au Québec une réputation enviable. Il s’agit bien sûr de Dany Laferrière, mais aussi d’Émile Ollivier décédé récemment, de Georges Anglade, un ancien ministre d’Aristide et de Marie-Célie Agnant. Cette dernière fit publier en 1995 son premier roman, La Dot de Sara, qui créa une vive impression. Cet auteur est très sensible au sort réservé aux femmes antillaises, dont elle a fait le portrait exhaustif dans Le Livre d’Emma (commentaire sur le site) à partir de l’arrivée de la première femme africaine venue comme esclave à Haïti.

Dans La Dot de Sara, il s’agit de l’histoire de Marianna, qui s’est dévouée sans compter pour que ses enfants échappent au sort qu’elle a connu. Comme la mère et la grand’mère de Dany Laferrière, elle a tout fait pour leur procurer les avantages de l’instruction, qui est une arme de libération. Mais quand on vit dans un pays où la dictature s’est fait un point d’honneur de tuer ses adversaires, même virtuels, il ne reste plus qu’à le quitter pour des cieux plus cléments, encouragés en cela par les mères mêmes qui souhaitent pour leurs enfants un avenir plus prometteur.

Quand la progéniture a réussi à prendre racine ailleurs, en l’occurrence à Montréal, elle fait généralement venir la génitrice qui, apparemment, devrait être heureuse de l’invitation. Enfin retrouver les siens et mener une vie paisible au sein d’une communauté peu belliqueuse! Rêve insensé s’il en est un. Quand on a vécu l’injustice jusqu’à la moelle, il semble impossible de se sortir de ce cercle vicieux. Comme les enfants violentés deviennent souvent des parents brutaux, les Haïtiens pratique rapidement à l’égard de leur mère des injustices inqualifiables. Les petits-enfants élevés, on se débarrasse d’elle pour faire de la place dans les petits logements qu’ils occupent généralement. Elle est contrainte alors d’aller sonner à la porte des services sociaux afin de recevoir des allocations de survie, communément appelées le BS.

Marie-Célie Agnant dénonce la situation de ces femmes vulnérables souvent abandonnées par leur mari depuis belle lurette. Comme l’écrivait Émile Ollivier, « l’homme haïtien est un grand enfant irresponsable ». Laissées à elle-même dans une terre d’exil, elles deviennent en vieillissant des femmes qui n’aspirent qu’à retourner dans leur terre natale. Au moins là, elles se retrouveront entourées de semblables qui pourront l’accompagner dans le dernier droit de leur existence.

Les romans de Marie-Célie Agnant sentent la révolte qu’enclenche chez elle la condition féminine haïtienne. Malheureusement, elle ne fait qu’effleurer le problème dans une langue qui ressemble à celle d’une bonne étudiante.