La face cachée de Wikipédia: Enquête sur les dérives de l'encyclopédie libre
de Victor Lefebvre, Michel Sandrin

critiqué par Elya, le 2 novembre 2025
(Savoie - 35 ans)


La note:  étoiles
Ne jette pas le bébé avec l'eau du bain
Ce livre, co-signé par Michel Sandrin, contributeur de longue date aujourd’hui exclu de toute contribution sur l'encyclopédie, et le journaliste Victor Lefreb, n’est ni une diatribe anti-Wikipédia ni une ode naïve au « grand projet collaboratif ». Il réussit au contraire à poser une distance utile : mettre en lumière des défauts et des pratiques contestables (et inévitables lorsqu'il y a de l'humain derrière !) sans pour autant jeter le bébé avec l’eau du bain.

Les auteurs proposent une enquête mêlant témoignages (notamment l'expérience personnelle de Sandrin), relevés factuels et mises en perspective historiques. Le livre s’adresse autant aux contributeurs qu’aux non-initiés : il donne des chiffres et recadre l’origine et l’évolution du projet, signale des noms de pages et de pratiques problématiques, et questionne la gouvernance et la transparence de l’encyclopédie. L’approche n’est pas systématique : Sandrin et Lefreb admettent sélectionner des exemples concrets (parfois anecdotiques) plutôt que de prétendre à une étude exhaustive ou académique.

Le livre évite le manichéisme. Les auteurs reconnaissent la valeur du projet Wikipédia et refusent d’en remettre en cause les principes fondateurs malgré les critiques qu’ils formulent. Cette retenue est, à mes yeux, la plus grande qualité du livre.
Les exemples sont choisis volontairement et le livre n’a pas la rigueur d’une enquête scientifique, très complexe à mettre en oeuvre sur une encyclopédie en ligne comprenant plus de 2,5 millions d'articles rien qu'en français, et composant seulement 20% du texte disponible en ligne. C’est honnête et assumé, mais le lecteur attentif doit garder cela en tête.

Pour qui s’intéresse à l’écosystème Wikipédia, ce livre apporte des éléments de compréhension intéressants et peu documentés - sans doute en partie par la peur des représailles pour qui critique publiquement ce qui s'y passe. Son ton mesuré et sa volonté de ne pas « supprimer » le projet au motif de ses défauts en font une lecture utile et salutaire, même si, comme c'est mon cas, on ne partage pas toujours le point de vue ou la démonstration des auteurs.