Dans ce bref roman, Elie Wiesel raconte son adolescence. En un chapitre de l’insouciance au début des années 40 jusqu’au basculement en 1944 lorsque le régime nazi agonisant décide d’accélérer l’extermination des juifs. Puis en huit chapitres une année qui va le mener avec son père du ghetto à Auschwitz, puis à Buna, puis finalement à Buchenwald. Deux cents pages d’un récit plat, factuel, presque sans jugement et sans analyse. On devine ce qu’il n’a pas osé raconter ou que son éditeur ne lui a pas laissé publier. Les phrases toutes simples s’enchainent, ensorcelantes : parfois interrompu, je levais un regard égaré sur le wagon du RER, tout surpris d’être là et ne sachant plus où j’allais.
J’ai lu de nombreux ouvrages sur cette période : Primo Levi, Vassili Grossman, Daniel Mendelsohn… Toujours essayer de comprendre l’horreur, de ressentir l’indicible, de décortiquer cette machine à détruire l’humain. De mes lectures, c’est Elie Wiesel qui a décrit le plus inexorablement la honte de perdre sa dignité d'homme, la mécanique qui accule l’être humain à devenir une bête qui se bat pour sa survie et perd son humanité (et aussi sa foi pour le jeune croyant qu’était Elie Wiesel).
« Le vieillard murmura encore quelque chose, poussa un râle et mourut, dans l’indifférence générale. Son fils le fouilla, prit le morceau de pain et commença à le dévorer. »
« Jamais je n’oublierai les visages des petits enfants dont j’ai vu les corps se transformer en volutes sous un azur muet.
Jamais je n’oublierai ces flammes qui consumèrent pour toujours ma foi.
Jamais je n’oublierai ce silence nocturne qui m’a privé pour l’éternité du désir de vivre.
Jamais je n’oublierai ces instants qui assassinèrent mon Dieu et mon âme, et mes rêves qui prirent le visage du désert.
Jamais je n’oublierai cela, même si j’étais condamné à vivre aussi longtemps que Dieu lui-même. Jamais »
Romur - Viroflay - 51 ans - 21 février 2011 |