L'âge d'ombres : Une enfance 1939-1946
de Philippe Bonzon

critiqué par Bafie, le 14 octobre 2025
( - 64 ans)


La note:  étoiles
Nous venons tous de nos enfances
Ce livre relate une enfance en temps de guerre. Comment un enfant analyse le monde, aurait pu être son titre, on accompagne l’enfant dans sa solitude, son introspection, ses questionnements sans fin : sur le monde, son père, sa mère, son environnement, sur lui-même et ses premiers émois, que ceux-ci soient suscités par la guerre, la nature qui l’entoure, l’art ou, enfin, les filles ; premiers émois amoureux.

J’ai apprécié les nombreuses références qui nous permettent de saisir le contexte culturel : les lectures, la musique, la peinture, tout imprègne cette enfance, privilégiée, quand même.

Plus d’une fois, je me suis dite que j’aurais pu écrire de pareille manière… comme le ferait n’importe quel enfant solitaire qui trouve refuge dans la lecture, dans ses éternelles rêveries.

Sont présents, les émois liés à l’histoire, à l’occupation, ils ne sont guère relatés sur le mode intériorisé mais, le plus souvent en tant que faits qui impactent l’enfant, qui lui font vivre des moments palpitants- l’enfant ne semble pas mesurer la dangerosité des bombardements- et s’emballent de ces fuites hors du quotidien que sont la plongée dans les souterrains.

La guerre c’est aussi pour lui, un déracinement, un deuil : départ du père, déménagement, changement d’école, il lui faut trouver d’autres repères.

Autour du père, pas mal de mystère et peu de réponses apportées par les adultes.

Qu’est-ce qui a causé son décès et que lègue-t-il à son fils par delà la mort par sa bibliothèque, sa musique, ses proches et leurs manigances que l’enfant ressent sans pouvoir s’en défendre.

Ce jeune enfant a eu la chance de rencontres, de découvertes intéressantes et il nous les livre : ainsi en est-il de Giverny et de Blanche Hoschedé.

L’adulte tente aussi de décrire sa mère à travers ses souvenirs et il se heurte à une certaine vacuité, comment peut-il en savoir tellement peu sur un être qui toujours a régné sur sa vie.

N’en est-il pas de même pour chacun d’entre nous ?

Que sait-on de celles qui nous bercent, nous rassurent, nous réconfortent ?

Sur quoi construisons-nous nos représentations de cette figure maternelle : quelques souvenirs, des photos glanées au fond d’un tiroir, les dires de ceux qui l’ont connue avant même que nous ne soyons là.

Ces interrogations m’ont rendue très nostalgique.

L’auteur nous livre ses années de 7 à 13 ans… de l’enfance aux premiers émois de l’adolescence.

C’est une lecture lente un peu comme si un ami nous parlait de ses jeunes années.

J’ai apprécié, me suis constituée une belle liste de références littéraires, musicales, artistiques, j’aime quand une lecture m’invite à quelques découvertes.

Je me suis parfois quelque peu ennuyée.

C’est finalement une belle lecture d’automne, sous le plaid devant la cheminée allumée le soir.

C’est aussi un bel hommage à l’enfance car nous venons de toutes nos enfances.

« Toutes les impressions que l’on reçoit dans l’enfance, on les conserve jusque dans la vieillesse » Euripide. Cité par l’auteur p. 23.