Dunes coloniales
de Adriaan van Dis

critiqué par Pucksimberg, le 6 septembre 2025
(Toulon - 45 ans)


La note:  étoiles
Un décès qui va redonner du sens à une histoire familiale
Le narrateur vient de perdre Ada, l’une de ses demi-sœurs nées dans les Indes orientales néerlandaises. Ce sera l’occasion de revoir des membres de sa famille et de réveiller surtout le souvenir de ce père très dur qui est mort alors qu’il n’avait que 11 ans. Son père a fait la guerre et voulait préparer son fils à être un homme en cas d’une guerre prochaine, quitte à se montrer brusque avec lui. Le narrateur retrouve sa mère, ses autres demi-sœurs, Maarten qui a des problèmes psychologiques, Aram le fils de ce dernier qui n’a que 14 ans et que le narrateur aimerait aider, la tante Edmée qui est la sœur de son père mais dont le caractère n’est pas des plus faciles et bien d’autres. Le narrateur plonge dans l’histoire de sa famille, dans une époque coloniale qui a eu des répercussions sur les personnages, ressuscite ce père jugé peut-être trop vite.

Le roman contient des épisodes tragiques mais aussi d’autres très drôles. Le lecteur se demande même parfois comment l’auteur a réussi à faire cohabiter les deux tonalités dans la même page. Cette façon de désamorcer les moments durs témoigne d’une certaine élégance. Le contexte historique est clairement identifiable sans que le lecteur soit écrasé par de nombreuses informations historiques. Peut-être que des notes auraient été appréciées pour éclairer davantage le lecteur : il est question des camps japonais à Sumatra où ont été internées la mère et les demi-sœurs du narrateur, de la décolonisation, des Pays-Bas et de certains organismes de cette époque. Ce pan de l’histoire est assez passionnant car ce n’est pas le cadre que l’on rencontre le plus souvent dans les romans traduits en France. Le roman n’est pas linéaire, ce qui pourra parfois complexifier la lecture. En effet, le roman couvre de nombreuses décennies et il y a beaucoup de personnages. Il faut donc déjà reconstruire mentalement tous les liens entre les individus, puis remettre un peu de l’ordre pour s’assurer que l’on a reconstitué la bonne chronologie.

La relation entre le narrateur et son père occupe une partie importante du roman. Le lecteur aura sans doute déjà lu des romans où il est question de pères violents, mais ici Adriaan Van Dis ne prend pas la même direction. Il y a même une recherche de l’humanité de ce père et des explications à son comportement, sans pour autant excuser sa brusquerie. Et puis cet homme s’exprime bien et a peut-être donné le goût de la narration à son fils. Cette relecture de son histoire personnelle va peut-être modifier le prisme par lequel il regardait son père, voire même l’inviter à se voir un peu en ce père. Dans sa famille, il y a des situations qui semblent se répéter, les personnages se voient parfois les uns dans les autres. Le fait que le père du narrateur porte le même prénom que le père de ses demi-sœurs invite forcément à la comparaison et à établir des correspondances entre les personnages.

Je ne connaissais absolument pas cet auteur, mais j’ai très envie de découvrir son œuvre. Il est considéré comme un écrivain majeur dans son pays. Ce roman est profondément humain, touchant et amusant parfois. Il demande tout de même une grande concentration pour ne pas s’y perdre parfois.