L'Espion qui est en moi
de Sam Shepard

critiqué par Septularisen, le 30 août 2025
( - - ans)


La note:  étoiles
LE TESTAMENT LITTÉRAIRE DE SAM SHEPARD.
Le 27 juillet 2017 disparaissait, - dans la plus grande indifférence générale d’ailleurs, il faut le dire! -, un des auteurs les plus importants et les plus influents du XXe S. aux États-Unis d’Amérique… J’ai nommé Sam SHEPARD (1943 – 2017, de son vrai nom : Samuel SHEPARD ROGERS III).
Si en nos contrées Européennes il est surtout connu comme acteur [L’Étoffe des héros (1983) ; Baby boom (1987) ; L’Affaire pélican (1993) ; Opération espadon (2001) ; La Chute du faucon noir (2001)…], scénariste, [Paris, Texas (1984) ; Fool for love (1985)…], et réalisateur [Far North (1988) ; Le gardien des esprits (1994)…], Sam SHEPARD était surtout et avant tout… Écrivain! (1).
La preuve? Il aura mis tout son cœur et tout ce qui lui restait comme «énergie vitale», pour terminer, quelques jours avant sa disparition, son dernier livre: «L’Espion qui est en moi».

L’auteur nous présente l’histoire de deux personnages anonymes, - on ne saura d’ailleurs jamais leurs noms -, qui s’espionnent mutuellement. L’un passe son temps sur une chaise à bascule, emmitouflé dans des couvertures, devant sa maison, sous le porche, à côté d’une porte avec une moustiquaire.
Il a l’air gravement malade, bouge très peu, et se contente de se faire «servir» par sa famille, qui est aux petits soins avec lui… On ne saura jamais de quelle maladie il souffre vraiment, ni ce qu’il advient de lui à la fin du récit…

L’autre est celui qui l’espionne. Sporadiquement, à la dérobée au début, puis volontairement et de plus en plus souvent… Et, si au début, il se contente de l’espionner de loin, à partir de la véranda de sa maison, - située de l’autre côté de la rue -, avec une paire de jumelles, au fur et à mesure du récit, il va développer une véritable «obsession» pour le malade.

Il va d’ailleurs s’approcher physiquement de plus en plus de l’autre personnage, allant jusqu’à se cacher dans un petit bosquet juste à côté du malade. A la fin, il émet même le souhait de vouloir acheter la maison voisine de celle du malade, pour pouvoir même l’espionner quand il est à l’intérieur de la maison…

Alors, disons-le tout de suite, c’est un texte «lourd», lent et difficile à lire. Le récit (une centaine de pages au total…), se présente comme une suite de petites histoires, divisées en chapitres très courts. Il faut toutefois faire preuve d’une attention de tous les instants, pour savoir lequel des deux personnages est en train de parler, le point de vue de celui qui raconte changeant sans cesse!

Le tout est une métaphore de la maladie dont souffre l’auteur lui-même (qui rappelons-le était dégénérative et incurable…), et de son évolution qu’il sait inéluctable. Mais, c’est aussi une série de «souvenirs», qui lui reviennent en mémoire... Des moments de sa vie, des joies, des peines, des «instants» volés à la mort qui rôde tout autour de lui, et qui se fait de plus en plus «pressante», au fur et à mesure que la vie quitte peu à peu son corps malade!

Et sans surprise d’ailleurs, la déchéance du corps va de pair avec la clairvoyance de l’esprit, qui s’affine au fur et à mesure que la mort se rapproche… L’homme sous le porche n’ignore ainsi rien de l’homme qui l’espionne, - à un moment, on en arrive d’ailleurs même à se demander qui espionne qui, et lequel des deux est vraiment le malade -, et on se demande même si il ne vont pas finir par se parler…

Est-ce que je conseille la lecture de ce livre? Sans doute pas, si vous n’avez jamais lu d’autres livres de l’écrivain américain, au risque de vous faire une mauvaise idée, et d’avoir une mauvaise restitution de son immense talent… Mais, si comme moi vous êtes un admirateur de l’œuvre, du style unique «brut de décoffrage», et de l’écriture si particulière de Sam SHEPARD, - avec ses phrases incisives, sculptées, ciselées, qui frappent, fouettent et laissent le lecteur pantois -, alors n’hésitez pas, et… Foncez!

(1). : Cf. : Ici sur CL : https://critiqueslibres.com/i.php/vauteur/5452/

P.S. : Rappelons que le nom de Sam SHEPARD a été proposé à de nombreuses reprises pour le Prix Nobel de Littérature.