Dear Scott, Dearest Zelda: Lettres d'amour 1918-1940
de Francis Scott Fitzgerald, Zelda Fitzgerald

critiqué par Blue Cat, le 18 août 2025
( - 61 ans)


La note:  étoiles
Scott & Zelda - Un merveilleux malheur
Voici l’édition largement augmentée (par rapport à Gallimard 1985) de la correspondance entre Scott et Zelda Fitzgerald. Dans une belle Editions du Rocher, avec livret photos.

La relation si particulière entre ces deux hypersensibles se déplie sur 20 ans de correspondance, jusqu’à la mort prématurée de Scott à seulement 44 ans, en Californie. Zelda lui survivra 8 ans et périra dans l’incendie de l’hôpital psychiatrique où elle séjournait une nouvelle fois.

Ce qui ressort de cette correspondance, et qui n’est pas une surprise pour les Fitzgeraldiens, est bien cette alchimie entre eux, irrépressible, irrationnelle et probablement assez incompréhensible pour l’entourage. Zelda a été l’âme sœur de Scott, jamais détrônée. Leur profonde mélancolie, sans doute précoce, a fait de cette rencontre LA rencontre. Deux âmes en miroir. Cela n’arrive qu’une fois dans une vie, et bien souvent cela n’arrive jamais. En ce sens, ils ont été chanceux. Quelque chose comme ‘Je t’aime parce que toi seul(e) comprend mon malheur’.

Contrairement aux fadaises colportées par de faux lecteurs, Scott n’a nullement provoqué la maladie mentale de Zelda. De même que Zelda n’a pas provoqué l’alcoolisme fatal de Scott. La famille de Zelda connaissait la maladie mentale, son frère s’était suicidé et les cas de graves dépressions y étaient nombreux. Scott était fragile, dépressif, très peu sûr de lui en société, et doutait douloureusement de sa virilité. Alors va pour l’alcool sans limites, jusqu’à la perte de conscience.

Après quelques brèves années fastes, Scott n’aura cessé de courir après l’argent toute sa vie, afin de payer le train de vie luxueux qu’il croyait devoir à Zelda, dans des cliniques privées aux airs de palaces. Mais aussi pour assurer à leur fille unique Scottie les meilleures écoles et les études universitaires, lui pour qui le souvenir des années passées à Princeton restait un rêve éveillé.

Alors oui, dans ses lettres, Zelda réclame encore et encore de l’argent. Scott répète encore et encore qu’il est à sec. Et finit toujours par trouver l’argent réclamé. Finalement, cette dépendance financière de Zelda lui était utile, comme un aiguillon sur sa tendance à se laisser couler. Elle est la belle rose du sud, irresponsable, si fragile. Il est l’homme responsable, qui porte à bout de bras (et de stylo) le train de vie de toute la famille. Train de vie auquel il refuse catégoriquement de déroger.

Malgré les sérieux problèmes de santé, les accidents de beuverie, tel un soutier, Scott fournit des nouvelles souvent bâclées pour quelques centaines de dollars aux magazines et des scénarii pour Hollywood, mieux payés certes, mais lui laissant un goût amer de ‘prostitution’. Car le succès impressionnant des premiers livres et les rentrées d’argent subséquentes sont bien loin maintenant.

‘Tendre est la nuit’, son roman le plus abouti selon moi, ne reçoit pas l’accueil critique et commercial espéré. Et pourtant le don littéraire de Scott est bien là, toujours là. Zelda ne s’y trompe pas qui tient ‘Tendre est la nuit’ pour son chef-d’oeuvre. Le fort peu reconnaissant Hemingway est du même avis.

Dix ans après son décès, Scott était redécouvert par la critique et les lecteurs, pour entrer définitivement au panthéon des grands écrivains américains. C’est justice.

Quittons-nous sur quelques citations de ces deux être extraordinairement sensibles à la beauté, à la jeunesse perdue, au temps qui détruit tout.

Zelda :
- ‘La conscience du tragique des destinées humaines nous hante tous les deux depuis longtemps’

- ‘Et nous avons vécu heureux, heureux – du mieux que nous avons pu’.

Scott :
- ‘Tu es la personne la plus délicate, la plus charmante, la plus tendre et la plus belle que j’aie jamais connue’.

- ‘Assis près d’elle, sa tête sur mon épaule, j’ai goûté des heures merveilleuses ; comme toujours, même à présent, je me sens plus près d’elle que de n’importe quel être humain. Je n’aurais nul regret si, dans quelques années, Zelda et moi pouvions nous blottir l’un contre l’autre sous une dalle de quelque vieux cimetière d’ici.’


Le temps les a réunis ‘sous une dalle de cimetière’, inséparables à jamais.