Compte à rebours
de Saviana Stănescu

critiqué par Sahkti, le 12 janvier 2005
(Genève - 50 ans)


La note:  étoiles
La meilleure fuite... la folie!
Zozo est une jeune fille à la dérive, très fragile, très instable aussi. Elle hante les trains, elle les remplit de sa folie et de sa violence. Une fille frustrée et blessée exprimant comme elle peut, maladroitement, sa quête interminable de l'amour maternel. Les gens la prennent pour démente, elle effraie, on s'écarte d'elle. C'est vrai que ses actes et ses pensées font peur, on la sent meurtrie au plus profond de sa chair, prête à tout pour vivre et survivre. Pourtant, peu à peu, le lecteur finit par la suivre de très près, par vouloir la comprendre. La vision de Zozo, toute folle qu'elle puisse paraître, est avant tout une protection, un moyen de se protéger de cette société déshumanisée dans la quelle nous évoluons. Et si Zozo avait raison? Si la folie était notre unique porte de sortie?

Saviana Stanescu, une jeune auteur roumaine talentueuse, exploite avec beaucoup de force cet enfoncement dans la douleur et la démence. Elle met le lecteur en face de sa réalité, celle d'un monde froid et mesquin, celle d'êtres égoïstes qui compatissent par bienséance devant la douleur d'autrui et fuient dès que cette souffrance leur vole un peu d'air même pas pur.
C'est une écriture dense et violente qui m'a beaucoup touchée. L'auteur ne prend pas de chemins détournés pour parler de ces problèmes inhérents à notre société contemporaine. Elle évoque également les souffrances intérieures des êtres déracinés avec beaucoup de talent et de sensibilité.
Des thèmes qui fonctionnent très bien avec l'écriture théâtrale. Le lecteur est spectateur, Stanescu le cloue à sa place. On ressent de la compassion pour Zozo mais une barrière existe, celle de la distance et de la contemplation. Nous regardons, nous assistons et ça fait mal, car ces gens dénoncés dans la pièce, c'est vous et moi, spectateurs du monde qui tourne et ne s'arrête jamais sur rien ni sur personne.