Un pedigree
de Patrick Modiano

critiqué par Palorel, le 9 janvier 2005
( - 43 ans)


La note:  étoiles
La vie de chien du jeune Modiano
Depuis plus de 35 ans, Patrick Modiano n’a cessé de réinventer sa vie dans ses livres. Difficile jusque-là de démêler la réalité de la fiction chez un écrivain dont le « Livret de famille » (1977) est composé de souvenirs authentiques et de souvenirs imaginaires.
Mais avec « Un pedigree » (le titre est un clin d’œil à Simenon), Modiano a choisi de faire défiler les 21 premières années de sa vie sans recourir à la fiction. (« J’écris ces pages comme on rédige un constat ou un curriculum vitae, à titre documentaire… », p. 44-45). Il y raconte la solitude de son enfance, les pensionnats où il a vécu, le milieu interlope dans lequel vit son père, le désintérêt d’une mère qui ne pense qu’à sa carrière cinématographique….La mort de son frère Rudy est le seul événement de cette période qui le « concerne en profondeur » (p.44).
Le récit de cette enfance et de cette adolescence malmenées permet également d’éclairer la genèse de l’œuvre de Modiano :« Presque chaque paragraphe de ce livre peut se retrouver dispersé dans mes autres livres, et «transposé » dans l'imaginaire. Il suffit d'appuyer sur un bouton, comme sur un tableau de commande. », avoue-t-il dans un entretien accordé à Gallimard. Et c’est sans doute avec beaucoup d’intérêt que le lecteur assidu remarquera que des situations, des noms de personnages, sont à peine (voire pas du tout) transposés pour les besoins de la fiction.
Il est donc préférable (pas nécessaire !) de connaître l’œuvre avant de s’attaquer à « Un pedigree », d’autant plus que la sécheresse (volontaire) de la plume de Modiano, nettement plus perceptible que dans ses romans, risque, pour certains, d’en rendre la lecture indigeste.
Une enfance difficile 7 étoiles

Modiano se raconte, des parents absents, des gardes d'enfant multiples, des internats et pas le récit d'un sourire, d'un jeu d'enfant. On en déduit l'ennui, le mutisme, l'indifférence pour carapace. On comprend le besoin de retenir les noms, les rues comme le joueur d'échecs de Zweig face à la torture. Si ce livre est terne, c'est que l'enfance de Modiano est terne à mourir. Et pourtant Modiano a survécu et il vit, à construit une famille et est devenu un formidable écrivain au style unique... et pour cause. Découvrir l'homme qui se cache derrière l'écrivain c'est avoir des clés pour comprendre entre les mots. Ce livre d'une franchise absolue est donc indispensable.
D'un point de vue du plaisir de lecture (c'est ce que j'ai noté) c'est plus mitigé, s'il y a de très bons passages littéraires notamment au début, certains autres sont plus factuels. Ainsi on remarque qu'après la perte de son frère, les dates se succèdent avec moins d’évènements. Les années tristes jusqu'à la rébellion du jeune adulte.

Yeaker - Blace (69) - 50 ans - 30 août 2019


Un texte qui éclaire sur le personnage Modiano 8 étoiles

Ce court texte permet de découvrir la jeunesse du grand écrivain dans un récit factuel. Le lecteur qui a l'habitude de lire cet auteur s'y retrouve complètement. L'auteur ne voulait pas rédiger une pure autobiographie car il trouve ce genre mensonger. En effet l'écrivain peut cacher ce qui l'arrange et mettre en valeur certains épisodes. Ici, il opte donc pour une forme qui peut décontenancer le lecteur. Il additionne des remarques en lien avec sa jeunesse, ses parents et l'on retrouve facilement les thèmes qui lui sont chers.

Il évoque ses parents, souvent absents, qui n'ont cessé de le confier à d'autres autorités qu'à la leur. Il est passé d'un pensionnat à l'autre alors même que son père habitait parfois à côté de l'établissement en question. Il peint le halo mystérieux qui enserre ses géniteurs quant à leurs activités professionnelles. Le père n'a pas eu de professions sérieuses et a fréquenté des personnes qui ont commis des actes illégaux. C'est surtout l'environnement des géniteurs qui est dépeint. Sa mère a côtoyé de près ou de loin certaines grandes figures culturelles. ( Arletty, Jean Cau, Suzanne Flon ... ). On suit aussi l'apprentissage du futur prix Nobel, ses écoles, ses lectures et sa volonté de s'affranchir de l'autorité paternelle. Même si l'auteur ne souhaite pas développer longuement les émotions ressenties face à certaines scènes vécues, le lecteur ne peut que prendre conscience du manque d'amour qui a marqué la jeunesse de l'auteur. Aucune scène pathétique, mais l'on n'est pas dupes.

On retrouve enfin des épisodes réels qui ont alimenté des épisodes fictifs de certains romans. On y reconnaît certains noms, certaines scènes et l'on prend conscience que ces séquences l'ont marqué au point qu'il les réécrit ponctuellement. On y perçoit aussi son attachement aux lieux, qui portent la trace du passé des hommes, comme cet appartement quai des Conti où a gravité toute une faune proche de la famille Modiano.
J'appartiens donc aux lecteurs qui aiment beaucoup cet auteur et qui ont perçu ce récit comme un éclairage sur son oeuvre et sur l'homme.

Pucksimberg - Toulon - 44 ans - 22 décembre 2015


Pas celui d’une bête de concours 2 étoiles

Pas très engageant ce « Pedigree ». Patrick Modiano vaut mieux que ce que ce « Pedigree » nous dit de lui. On connait la forme classique des romans de Patrick Modiano, à l’écriture plutôt sèche, aux obsessions marquées pour tout ce qui tourne autour de la mémoire et des noms de lieux, notamment à Paris. Eh bien Patrick Modiano a adapté tout ceci pour ce qui pourrait être une autobiographie de son enfance et qui se révèle aussi « sexy » à la lecture qu’un … bottin.
Enumération de noms, de personnes, de lieux, d’adresses, … tout ceci pour la période 0 à 21 ans. Une enfance pas simple à ce qu’on comprend, avec une mère plus concernée par sa potentielle carrière cinématographique que par l’éducation du jeune Patrick et de son frère Rudy. Avec un père qui semble tremper en permanence dans des affaires qui pourraient être louches, qui fait tout en tout cas pour éloigner ses enfants … ça ne laisse pas beaucoup de place pour l’affection !
Alors « Pedigree », titre adapté peut-être ? Comme si Patrick Modiano avait juste voulu dresser la liste de ce qui reste dans sa mémoire, un mémento de peur d’oublier le peu qui lui reste de l’enfance ? Peut-être mais diablement frustrant pour le lecteur. Même « Modianophile » convaincu, on reste interdit devant ces listes de noms de rues, de personnes.
Oui, l’enfance de Patrick Modiano fut … désincarnée, entre père et mère absents, pensionnats, amis de la famille chargés de s’occuper de lui. Oui certainement il a manqué d’amour. Et c’est ce qui ressort le plus de cette écriture blanche et sèche qui correspond davantage au style de ses romans qu’à une « autobiographie – listing ».

Tistou - - 67 ans - 14 novembre 2014


Une autobiographie de jeunesse, en guise de synthèse 8 étoiles

Patrick Modiano retrace, dans l'ordre, l'histoire de sa jeunesse, comme pour se résoudre à expliquer clairement qui il est, ou plutôt d'où il vient, et dans le détail. Son enfance et sa jeunesse sont, en effet, bringuebalées par les hasards de son environnement familial, passablement instable.
La lectrice et le lecteur retrouvent des éléments épars des romans de l'auteur, remis en situation et en perspective. Les choses sont ainsi éclaircies. Cela a son intérêt, mais si j'eusse préféré qu'il dressât la suite, son histoire d'écrivain ; aussi est-ce cette jeunesse qui a généré l'inspiration de la plupart de ses écrits.

Veneziano - Paris - 46 ans - 2 mars 2013


Appel à témoins? 4 étoiles

Patrick Modiano commence par nous livrer des séries de noms, de lieux comme une sorte d'inventaire rédigé dans l'urgence.
Une première moitié de livre inintéressante, plate, des phrases courtes comme des notes sur un coin de feuille.
« J'écris ces pages comme on rédige un constat ou un curriculum vitae, à titre documentaire... » (comme l'a déjà relevé Palorel)

La deuxième partie, où il est en âge de souvenirs, fait intervenir quelques sentiments et nous pouvons partager la détresse, la souffrance de l'enfant abandonné, fils de parents irresponsables, immatures et ... monstrueux.
On comprend alors l'homme et son envie de tout « balancer » dans tous les sens du terme.
Une deuxième partie plus humaine et que j'ai lue avec beaucoup plus d'attention que de plaisir.
Ce qui est curieux, c'est que je n'ai gardé pratiquement aucun souvenir des 5 romans déjà lus malgré ce thème récurrent chez Modiano.

Marvic - Normandie - 65 ans - 19 février 2012


Le dernier des promeneurs solitaires 7 étoiles

L'auteur de ce livre est comme un marcheur qui traverse et retraverse sa vie en s'arrêtant de temps à autre, faisant des pauses quand il en a envie, il lui arrive de s'essoufler. On peut être agacé par cette continuelle recherche oedipienne, de cette comparaison sans cesse enrichie depuis des années avec ces géniteurs. Son père serait une sorte d'escroc sans beaucoup de gloire, sa mère un courant d'air guère plus intéressant. C'est toujours l'histoire du verre à moitié plein et du verre à moitié vide. Modiano a des parents qui l'ont déçu à un moment, comme tous les enfants qui font descendre les leurs de leur piédestal à l'adolescence, ensuite la mâturité est sensée nous faire prendre conscience que nous ferons pareil, sombrant dans le compromis social, la grisaille de la quotidiennement. Tous n'ont certes pas le talent de cet écrivain.
Est-ce vraiment son père ? Est-ce vraiment sa mère ? Comme dans un rêve, dans un manuscrit, l'auteur est tous les personnages. Il est vrai qu'il écrit toujours le même livre, comme beaucoup d'auteurs et de créateurs. Ce n'est pas cependant une question d'incapacité à se renouveler mais un empilement d'éléments toujours plus profonds sur sa vie. C'est vraiment de l'autofiction au sens noble, de la philosophie aussi, un portrait par collage successif.

Les livres de Modiano ressemblent aux dessin de Pierre le Tan, en le sens qu'ils inspirent une sorte de vague nostalgie, de cette nostalgie que l'on peut avoir en voyant un paysage en train, une envie de rester mélancolique. Modiano égrène ses souvenirs, on entend presque sa voix blanche caractéristique, il y a des jours où je trouve ça insupportable, d'autres où c'est génial, c'est selon le temps, la musique que j'écoute. De plus, Modiano, plus que d'autres, écrit tout le temps le même livre, certains lui ont reproché de rechercher son père depuis 1945. Peut-être...

AmauryWatremez - Evreux - 54 ans - 13 décembre 2011


Indispensable pour comprendre l' oeuvre de Modiano 8 étoiles

Une livraison d’informations : un recensement de lieux, de noms de personnes, de dates, parfois à l’état brut . Pas d’introspection, pour laquelle Modiano n’avoue avoir aucun goût mais le bilan sans pathos, d’une jeunesse douloureuse .

A lire, après avoir découvert ses romans, le mérite principal de cet ouvrage, à mon sens, étant, bien sûr, de faire connaître au lecteur ce que fut l’enfance du romancier mais surtout d’éclairer d’autres œuvres où ses fantômes continuent de le hanter et de permettre de mieux saisir les rapports que ses fictions entretiennent avec la réalité , en particulier de comprendre les thèmes récurrents de son œuvre : la quête d’identité , le retour sur le passé .

Alma - - - ans - 13 novembre 2011


La clé de l'énigme 8 étoiles

Si certains membres de CL ont déjà fort bien déroulé ici le fil conducteur de cette première autobiographie atypique, j’ajouterais qu’«un pedigree» introduit merveilleusement bien à l’univers trouble de ce romancier ; il constitue même la clé pour mieux comprendre l’énigme Modiano et la raison secrète de cette quête d’identité permanente, au travers de ses différents ouvrages.
Certes, la longue énumération de noms et de dates peut lasser et l’auteur s’en explique et s’en excuse d’ailleurs au passage, puisqu’elle représente pour lui le seul pedigree auquel il peut prétendre.
Comme Isaline, j’ai été particulièrement sensible à l’image de ce chow-chow auquel il se compare ; il dit aussi «j’écris ces pages comme on rédige un constat ou un curriculum vitae, à titre documentaire et, sans doute pour en finir avec une vie qui n’était pas la mienne» ; et, plus loin, à propos de sa mère «parfois, comme un chien sans pedigree et qui a été un peu trop livré à lui-même, j’éprouve la tentation puérile d’écrire noir sur blanc et en détail ce qu’elle m’a fait subir à cause de sa dureté et de son inconséquence»
Je ne perçois ici aucun excès de nombrilisme de la part de cet auteur si pudique et effacé par ailleurs, mais le simple souhait, après avoir enfin crevé l’abcès de sa jeunesse, de vivre pleinement sa vraie vie d’adulte et d’écrivain.
Il n’en reste pas moins marqué pour toujours par les plaies du désamour et sa timidité proverbiale, quasiment maladive, atteste encore de la gravité de ces blessures.
Un témoignage qui, après m’avoir passablement irritée dans un premier temps, m’a profondément bouleversée dans un second.

Isis - Chaville - 79 ans - 11 novembre 2011


Insipide 2 étoiles

Cet ouvrage de Modiano est ma première lecture de cet auteur que je découvre.

Dès les premières pages, la difficulté de poursuivre s'est faite ressentir. Je n'ai pas pu accrocher à ce livre, qui ne semble être qu'un étalage de faits autobiographiques, une succession de faits, vécus par les membres de sa famille.

L'auteur nous noie de dates, de personnages, d'événements dont - pour ma part - j'ai cherché à en comprendre l'intérêt... si ce n'est bien sûr, dans le cas d'une thérapie personnelle que livre l'écriture. C'est d'ailleurs ainsi que l'auteur s'en explique. Il livre sur le papier son histoire, afin de pouvoir s'en détacher et de se trouver lui-même. J'espère que c'est une réussite de ce point de vue-là, mais au niveau de la lectrice que je suis qui recherchait comme dans tout livre une émotion, c'est raté !

J'ai donc trouvé ce livre inintéressant, fade, et totalement insipide.



Didoumelie - - 51 ans - 16 août 2011


Renversé en traversant la rue....... 6 étoiles

Voilà l'impression que me donne le jeune MODIANO quand il nous livre des moments de son enfance .
J'ai commencé à trouver ça " pénible " les 40 premières pages et puis , je me suis laissé porter par l'ambiance présente toute au long du roman ( PARIS , Annecy , ......... ) et les personnages rencontrés ( les margoulins qui fréquentaient son père , les artistes cotoyant sa mère )
On sent la " félure " d'un enfant qui dérange et qui est mieux ailleurs.
Ce n'est pas un livre transcendant mais Modiano nous livre ses repères littéraires au fil de son enfance et sa permanente recherche d'amour .
J'en ai surtout retenu des odeurs de Paris , des internats et d'une certaine insouciance .
Un petit " 13/20 " me semble mérité !

Frunny - PARIS - 58 ans - 29 juin 2010


Complètement déçu.... 4 étoiles

Voici mes impressions sur le livre: anodin, apparence d'annuaire téléphonique, impersonnel, brut, documentaire, inintéressant, nombriliste, sans style, sans profondeur, fade.


Alors après, je l'ai lu rapidement, je n'ai pas été trop ennuyé par le texte, quelques passages restent intéressants. Mais dans l'ensemble, je suis sceptique quand à ce style qui m'apparait, à moi, sans aucune originalité.



S'il fallais des pré-requis pour apprécier ce livre, c'est, à mon sens, symptomatique d'un roman raté.

Soldatdeplomb4 - Nancy - 34 ans - 22 septembre 2009


Une vie de chien... 6 étoiles

Dans ce livre, Modiano nous raconte son pédigree ( ou plutôt son absence de pédigree). Il nous apprend qu'il est "né le 30 juillet 1945, à Boulogne-Billancourt, d'un juif et d'une flamande qui s'étaient connus à Paris sous l'Occupation." Son père était né à Paris en 1912, lui-même issu d'un père juif originaire de Salonique et de plus lointaine origine juive toscane. Sa mère flamande essayait de percer dans le milieu artistique. Elle fut "girl" dans des revues de troisième ou quatrième catégorie, décrocha quelques roles d'utilités au théâtre et passa surtout sa vie à tirer le diable par la queue. Son père, un temps apparemment enrichi par le marché noir, fréquentait tout un monde interlope qui allait des miliciens de la rue Lauriston à un tas d'hommes d'affaires plus ou moins véreux, plus ou moins escrocs de "bas vol". Les deux parents se trompèrent mutuellement, prirent de nouveaux compagnons et compagnes de sorte que le jeune Modiano, mal aimé, passa quasiment toute sa jeunesse dans des internats friqués mais sévères ou chez de lointains parents et amis. Il ne récolta donc aucun appui auprès de son étrange père et fort peu d'amour de sa fofolle de mère...

Du Modiano quoi... Nombrilisme. obsession des années "les plus sombres de notre histoire"... Son habituel fond de commerce. On apprend également qu'à 21 ans , il pondit un premier roman, l'envoya à un éditeur et fut aussitôt ( l'heureux homme !) édité, ce qui lui permit d'obtenir son autonomie immédiate. On se dit que cette époque devait être bien douce et peut-être plus cultivée que la nôtre. De nos jours, aucun inconnu comme lui, écrivant d'une plume aussi sèche et neutre que la sienne n'aurait la moindre chance de voir sa production transformée et sanctifiée en ouvrage de librairie vu que toute la place est occupée par les "vedettes" du show-biz ou de la politique et les best-sellers venus des 4 coins de la planète... ( Avez-vous lu le dernier Sarkozy, tiré à 150 000 exemplaires en attendant les rééditions, le nouveau "Hervé Villard" ou l'incroyable livre du fils de Sheila ?)

A cette époque, les découvertes des éditeurs s'appelaient Sagan ou Modiano... De nos jous nous avons Gavalda et Levy ( Rien de nouveau sous le soleil). Non que je ne reconnaisse pas une certaine qualité de plume au "maître" Modiano. Simplement, à trop dépouiller son style , on en arrive à la phrase squelettique, que dis-je anorexique, mécanique, impersonnelle, sans le moindre sentiment et le lecteur, même s'il est bon public comme moi, repart un peu déçu voire trompé sur la marchandise...

CC.RIDER - - 65 ans - 10 août 2006


le squelette était sorti du placard 6 étoiles

Assez déconcertant qu'Un pedigree. Modiano n'y cache pas qu'il s'agit là d'un listing. Si cette évocation d'une sécheresse pudique rappelle l'oeuvre même de Modiano (oui, il écrit toujours le même livre, mais "ni tout à fait le même, ni tout à fait un autre"), elle est un squelette, dénuée de la magie du verbe modianien qui sait créer un univers fantomatique de photographies sépia.
On y retrouve donc l'auteur et on comprend d'où viennent ses leitmotivs, mais ne le savions-nous pas auparavant à la lecture de ses romans, ô combien révélateurs (Une jeunesse, De si braves garçons, Quartier perdu ...)
Il ne réalise pas pour lui-même la prouesse réussie pour la jeune Dora Bruder. Il ne ramène pas à la vie par sa plume l'enfant et le tout jeune homme qu'il fût. Pourtant, il a là plus de matière.
Tout est semble-t-il question de pudeur et de distance.

Vda - - 48 ans - 10 juin 2006


Une jeunesse 8 étoiles

Un Modiano différent des autres où l’auteur évacue son passé tout en précisant que les faits évoqués ne le « concerne pas en profondeur », qu’il le fait, « pour en finir avec une vie qui n’était pas la sienne ». Il confesse dans le même passage n’avoir « aucun goût pour l’introspection ou les examens de conscience ».
« Ce n’est pas ma faute si les mots se bousculent. Il faut faire vite, ou alors je n’en aurai plus le courage. »
Cette précipitation, cette urgence, m’ont fait penser aux derniers livres de Hervé Guibert sur sa maladie : il ne pouvait se relire tant les faits rapportés était insoutenables.
Le titre « Un pédigree » rappelle celui d’un roman autobiographique de Simenon.
Propos contradictoires de Modiano, il semble, car, d’un côté, ces faits seraient de surface et ne le concerneraient en rien et, d’autre part, il lui faut du courage pour les écrire.

Photographies déchirées, vie en fraude, fantômes, absences, note justement Lucien.
Et si le nœud modianesque était précisément là, dans cette vie constamment refoulée, cette enfance et cette jeunesse impossibles à assumer qui s’est déroulée en dehors de toute affection (lors de son baptême, ses parents n’étaient pas présents ; ensuite ils chercheront sans cesse à éloigner leur fils), comme à l’extérieur de soi, dans la rue ou presque (les parents ont partagé le même logement, à des étages différents, le fils était censé assurer la liaison). D’où, peut-être, comme pour un chien, cette attention exagérément portée aux ombres des gens approchant ses père et mère, au noms des lieux, liés à des temps donnés : tout ce qui reste à l’adulte pour se remémorer un parcours, des liens anciens, des coordonnées mais vides de toute présence.
Et c’est ce sentiment de vivre à la surface, sans jamais compter (pour soi) – qu’on ne peut faire sien -, qui est proprement insupportable.

A travers cette vie et le regard porté sur elle, en la recréant sans cesse, Modiano touche à l’universel. Nos traces s’effacent à mesure que nous avançons, non seulement aux yeux des autres mais à nos propres yeux : on perd ses repères spatio-temporels, on traverse les époques de notre existence comme si c’était celle d’un autre, une marchandise en contrebande.
Certains, plus que d’autres, dont Modiano, éprouvent l’impérieux besoin de fixer ces traces. Pour on ne sait qui ou quoi. Pour multiplier les possibilités d’accroches, de liaisons ? Pour élargir son champ de rencontres ? Pour assurer une transition ? Pour s’autoriser une forme de rédemption ?...

Kinbote - Jumet - 65 ans - 4 février 2006


De la petite musique au grand frisson. 10 étoiles

« Je suis un chien qui fait semblant d’avoir un pedigree. »
Une phrase-clé de ce livre bref, retenu, intense où Modiano, au sommet de son art, dessine à près de soixante ans, « noir sur blanc », ses vingt et une premières années, celles qui l’ont conduit à devenir écrivain pour rêver, peut-être, une vie qu’il n’avait pas vraiment vécue.

« Je suis né le 30 juillet 1945… » La précision des premiers mots évoque Perec. L’époque aussi : la guerre. La judéité du père. Les « Je me souviens… » Les listes (l’extraordinaire émotion contenue dans l’énumération froide, clinique, des pages 69 et 70 : « Les veilleuses du dortoir. Les retours au dortoir après les vacances. Le lit trop petit. Les draps qu’on ne change pas pendant des mois et qui puent. Les vêtements aussi. Lever à 6 h 15. Toilette sommaire, à l’eau froide, devant les lavabos de dix mètres de long… » Les longues promenades dans un Paris disparu connu par cœur, ses vieux cinémas, ses impasses, ses quais, ses cafés, ses bureaux de police. Et puis la disparition. Si celle – par la mort – de ses parents a profondément marqué le jeune Perec, que dire de ces parents Modiano absents bien que vivants ? De cette mère actrice d’origine flamande toujours sur un tournage, toujours en coulisses ; de ce père juif toscan baroudeur, affairiste véreux entouré d’amis louches et de fausses blondes, qui ne cherche qu’à se débarrasser de son encombrant « brave garçon » ballotté de gardiennes en internats jusqu’à cette lettre de rupture où l’apprenti écrivain, enfin majeur, refuse désormais d’un père qu’il n’a jamais appelé « papa » « un soutien de quelque nature que ce soit, tant sur le plan matériel que sur le plan moral ». Un père qui mourra dix ans plus tard sans jamais avoir revu son fils.

« Drôle d’époque. Drôles de gens entre chien et loup. » Un livre à lire et à relire aussi pour cette extraordinaire collection de personnages ambigus qui tissent une toile d’araignée entre tous ces romans que l’on a adorés. Il faudrait tout relire en prenant des notes, établir la liste exhaustive de ce « bestiaire » balzacien où réalité fragile et fiction patiemment construite s’enchevêtrent en une architecture lézardée où traînent parmi les gravats les photos déchirées de l’enfance : jeunes filles au pair, couples bizarres, braves garçons des dortoirs… Gay Orloff, Stioppa, Sylviane Quimfe, tous ces êtres, tous ces noms dont Modiano fait « l’appel dans une caserne vide », ces noms qui « finissent par se détacher des pauvres mortels qui les portaient et scintillent dans notre imagination comme des étoiles lointaines. »
Fantômes, ombres entr’aperçues : « Les événements que j’évoquerai jusqu’à ma vingt et unième année, je les ai vécus en transparence – ce procédé qui consiste à faire défiler en arrière-plan des paysages, alors que les acteurs restent immobiles sur un plateau de studio. Je voudrais traduire cette impression que beaucoup d’autres ont ressentie avant moi : « tout défilait en transparence et je ne pouvais pas encore vivre ma vie. »

Passager clandestin, vie en fraude… et de ces traces est née une œuvre. De cette absence de vie est sortie une vie de mots. « C’était l’automne de 1962, mais aussi le dix-neuvième siècle et peut-être une époque encore plus reculée dans le temps. » C’était l’époque où la baguette coûtait quarante-quatre centimes. C’était hier…
Et de refermer ces pages en songeant à notre propre hier, à nos propres abandons, à nos propres fantômes, à l’unisson de la petite musique Modiano si proche de nous amener les larmes aux yeux.

Lucien - - 68 ans - 1 octobre 2005


Pas tout à fait d'accord... 7 étoiles

... avec Aaro-Benjamin sans toutefois pouvoir lui donner tort non plus.

Passons en vitesse sur la fastidieuse liste de noms qui a failli me faire arrêter le livre. Mais mon étonnement a quand même été grand quand je me suis rendu compte que ce livre,à la différence des autres, allait me raconter une partie de la vraie vie de l'auteur. Finies donc les recherches sans fins le long de boulevards et de rues, finies les compilations de photos sur lesquelles l'auteur et ses personnages s'interrogent sans trouver grand chose.

Ici, l'auteur nous dit qui il est, qui sont ses parents, où et comment il a vécu. Bien sûr que le récit prend l'allure d'un film qui se déroule, de pages d'un album photos que l'on tourne. La vie n'est-elle pas un peu cela ?...

Je ne serai probablement pas très objectif quant à mon avis sur ce livre. Pourquoi ?... Parce que je découvre que l'auteur et moi-même avons bien des choses en commun. Il a à peine un an de moins que moi et son adolescence ressemble beaucoup à la mienne. Mon enfance aura été beaucoup plus gaie, mais j'ai également été neuf ans en pension, plutôt abandonné que suivi. J'ai aussi subi les "belles-mères" et les "beaux-pères" que je dérangeais bien plus qu'autre chose. J'ai aussi fugué, râlé, pleuré de rage.

Et puis, je découvre que je me suis retrouvé, comme lui, au Zoute la même année, toujours avec un an de plus. La description qu'il en fait est assez juste. Mais ma situation familiale a fait que l'on ne me demandait qu'une seule chose(outre des études correctes): encombrer le moins possible le milieu familial. Cela m'a donc valu une liberté totale, jeune, dans un endroit où il était très agréable d'en profiter et où j'avais beaucoup de copains.

Je ne l'ai donc pas vécu comme lui qui a dû s'en sentir pour le moins étranger.

Il n'en demeure pas moins que les similitudes sont nombreuses et que mon objectivité en est troublée.

En outre, comme à chaque fois, ses qualités d'écriture font qu'il n'est pas facile d'abandonner un de ses livres.

Celui-ci m'a surpris et, à la différence de plusieurs autres, je me souviendrai pendant longtemps de son contenu...

Sahkti n'a pas tort non plus, mais elle est un peu dure. Il me semble que l'on devrait pouvoir comprendre qu'un enfant et un adolescent restent marqués par une telle vie. Il est plus facile de dire "secoue-toi" que de se "secouer". Ah, s'il suffisait d'une bonne douche pour être débarrassé de certains souvenirs !...

Jules - Bruxelles - 79 ans - 13 septembre 2005


Inodore et incolore 2 étoiles

J’en arrive à la même constatation que Clarabel. N’ayant lu que « Accident Nocturne », je ne connais pas vraiment le personnage Modiano et j’imagine qu’il s’agit d’un pré-requis.

Je serai donc extrêmement sévère car cette courte biographie des 21 premières années de l’auteur est l’équivalent, pour moi, de lire un bottin téléphonique. Par moment, Modiano entretient un certain mystère sur son père, infusant un peu d’intérêt au livre, mais dans l’ensemble, il s’agit d’un texte généalogique, plat, sans émotions. Des moments de vies mentionnés à la sauvette, des endroits visités, des notables obscurs, des dates et encore des dates. Imaginez quelqu’un qui ouvre un album de photographies jaunies et vous les présente en rafale. Voilà. C’est particulièrement navrant, surtout venant de quelqu’un dont le métier est de raconter…

Aaro-Benjamin G. - Montréal - 54 ans - 3 août 2005


Un détachement bouleversant 8 étoiles

Patrick Modiano évoque ici la première partie de sa vie, celle qu’il vécut « en transparence », ni tout à fait présent ni tout à fait absent… On est loin ici de l’autobiographie foisonnante et du « moi je ». Au contraire Modiano semble dresser simplement, sans aucun pathos, la liste de ses souvenirs d’enfance et de jeunesse sans trop en dire, comme s’il voulait juste les mettre à plat une bonne fois pour toute, comme pour se prouver qu’il vient bien de quelque part, qu’il a une histoire qui lui est propre même si elle n’est pas de celle qui font rêver. Le titre de cette autobiographique est lourd de sens : un pedigree. D’après le dictionnaire un pedigree c’est la généalogie d’un animal de race ou plus généralement le document qui l’atteste. C’est ce que Modiano souhaite faire ici : dresser sa « généalogie », parler de ses parents qui ne se sont jamais réellement occupés de lui, regrouper la plupart des informations qu’il possède sur eux, comme un besoin vital de faire ce bilan pour pouvoir enfin respirer librement… Modiano trouvera la délivrance à 21 ans… l’âge de la majorité, l’éloignant définitivement de la tutelle paternelle et surtout l’âge du premier roman. Il semble cependant qu’il ait fallu du temps à l’écrivain pour digérer cette jeunesse sans amour, sans tendresse parentale… Ce livre semble signer une nouvelle naissance pour Modiano, comme un exutoire au même titre que l’aura été le premier roman il y a presque quarante ans. Il le dit lui-même : « Je vais continuer d’égrener ces années, sans nostalgie mais d’une voix précipitée. Ce n’est pas ma faute si les mots se bousculent. Il faut faire vite, ou alors je n’en aurai plus le courage ». Ce livre est bouleversant… l’écriture-constat est parfois perturbante mais la démarche de Modiano est si belle et émouvante qu’on le suit sans oser un mot, une critique sur sa manière d’écrire. Pedigree, ce titre n’est pas anodin, comme il le dit lui-même : « Je suis un chien qui fait semblant d’avoir un pedigree »… et l’on est bouleversé lorsque Modiano évoque sa mère en ces termes : « C’était une jolie fille au cœur sec. Son fiancé lui avait offert un chow-chow mais elle ne s’occupait pas de lui et le confiait à différentes personnes, comme elle le fera plus tard avec moi. Le chow-chow s’était suicidé en se jetant par la fenêtre. Ce chien figure sur deux ou trois photos et je dois avouer qu’il me touche infiniment et que je me sens très proche de lui. » Phrase toute simple qui émeut plus qu’un trop long discours… Un Modiano sublime de retenue…

Isaline - Tours - 43 ans - 17 juin 2005


Modiano par lui-même 5 étoiles

Lorsque je lis ci et là que Modiano écrit sans cesse le même livre, je me dis toujours qu'il y a un petit côté moqueur derrière tout cela et que cet homme a bien le droit de se chercher comme il le fait. Mais il faut bien reconnaître que c'est la stricte vérité. D'un titre à l'autre, Modiano se cherche sans vraiment se trouver et c'est la même histoire qu'il raconte, celle d'un homme parti à la conqûete de ses racines et de son passé. Des éléments qu'il semble ne jamais retrouver, alors le livre se referme sans qu'il y ait de fin, l'histoire demeure inachevée, porte ouverte vers un futur récit probable qui nous racontera encore et encore la même chose: l'errance d'un écrivain en mal d'identité.

J'ai davantage ressenti dans ce texte que dans les autres récits de Patrick Modiano la présence d'un type paumé qui se cherche sans arrêt. Un homme vraiment perdu qui semble en souffrir de plus en plus. Dans cette écriture en apparence ordonnée, il règne un désordre intérieur impressionnant, la détresse paraît immense.
Est-ce qu'à force de creuser, Modiano ne creuse pas la propre tombe de sa quête? N'entretient-il pas aveuglément une souffrance de plus en plus grande? Je l'ai senti si seul et si perdu dans ces lignes!

Modiano aligne ici des dates, des noms, des événements petits et grands, la solitude d'un enfant mal-aimé, les coulisses obscures des relations parentales, la misère, les voyages, le désamour d'un père et l'indifférence d'une mère. Ses parents sont présentés comme des êtres abjects mais l'auteur n'arrive pas à les détester. On sent que ça lui ferait pourtant du bien, les évacuer une bonne fois pour toutes, leur dire m... pour de bon et faire le deuil de cet amour impossible qu'il n'a pas reçu, qu'il recherche encore toujours et qu'il ne pourra cependant plus jamais recevoir. Il y a des scènes très dures dans ce récit, une succession de mésaventures et de malheurs qui finissent par créer une sensation d'étouffement.

Par moments, lassée ou agacée par ce processus d'écriture, j'avais envie de lui dire "arrête de te regarder le nombril et tourne la page!". Facile à dire évidemment, mais j'ai vraiment le sentiment qu'ici l'auteur atteint un point de non-retour. La pression qu'il se met sur les épaules est perceptible, il s'enfonce, il serait temps qu'il sorte la tête hors de l'eau et respire un bon coup.

Sahkti - Genève - 49 ans - 11 mars 2005


Je confirme ! Il est préférable de connaître !... 7 étoiles


J'avais le pressentiment de connaître davantage d'oeuvres écrites par Modiano avant d'attaquer ses fameuses mémoires, publiées sous le nom d' "Un pedigree". J'aurais dû ! Je regrette un peu car certaines subtilités auraient glissé sur moi comme l'eau claire !.. Hélas, j'y reviendrai lorsque je serai plus calée en la matière ! A part "Dora Bruder", je n'ai pas encore lu d'autres Modiano ! La honte...

Donc, "Un pedigree" au démarrage déconcerte car l'auteur se contente franchement de rédiger un long listing de noms, autant de fleurons superbement inconnus désormais, mais faisant partie de ce microcosme de célébrités de l'époque des années 40 ! Les jeunes années des parents Modiano, un père magouilleur et une mère actrice égoïste. Un mauvais départ pour l'enfant Patrick, vite confié dans des pensionnats, ou à des relations à droite, à gauche. Des rendez-vous éclairs avec un père dans des cafés, des allusions à des trafics louches, des devoirs dans les bureaux des directeurs de théâtre, des rues de Paris qui se gagnent et se perdent...

Franchement l'enfance de Modiano n'a rien, strictement rien, de reluisante. Sans doute l'homme a su tirer une matière pour écrire ses romans, on devine rien qu'aux titres : La ronde de nuit, De si braves garçons, Quartier perdu, Dimanches d'Août, Un cirque passe, etc...

Mais ce qu'il y a de très complexe dans ce livre, c'est l'effet mitraillette : une succession de noms, d'événements, de lieux, de rencontres, mise à la chaîne, sans transition, sans logique. Juste une volonté de l'auteur de se débarrasser de tout ça, au lieu de fournir un travail d'intropection - chose qu'il abhorre. Certaines scènes, marquantes, sont jetées en pâture au lecteur avide de détails, mais il n'en sera rien ! On ne s'attarde jamais avec Modiano : la mort du frère, la police qui l'embarque dans un panier à salade, les fâcheries, les bouderies, les quémandes muettes pour un peu d'estime vers sa mère, rien !.. L'auteur tait ses regrets, à peine les esquive-t-il, il met en parenthèse ses rancoeurs et jamais n'en vient à rendre des comptes !

C'est un livre pudique, une décharge de trop-plein, des sentiments confus, une volonté de ne plus se sentir sur le qui-vive, d'être léger. Un livre pour les inconditionnels de l'auteur !

Clarabel - - 47 ans - 10 février 2005