Searching For John Ford: A Life
de Joseph McBride

critiqué par Isaacrabbit, le 6 janvier 2005
( - 67 ans)


La note:  étoiles
Horseshit saga
La bibliographie fordienne , déjà pléthorique, s'est récemment enrichie du travail de fourmi de Joseph Mc Bride, Searching for John Ford. En 1998, John Ford, a Bio-Bibliography, de Bill Levy, établissait quelque chose comme mille références...dont bientôt près de la moitié dateront des vingt dernières années. Disparu en 1973, avant cela déjà hors du monde (plus de travail depuis Seven Women en 1966, et ce n'est pas les projets qui lui manquaient, ni l'acharnement à les proposer...Hawks devait tenir jusqu'en 1970 mais Rio Lobo est tristement loin de l'invention dont fait encore preuve le vieux borgne dans son dernier opus...), il semble maintenant hanter la conscience du cinéma américain, si tant est qu'il puisse en exister une hors le cercle restreint des indépendants.
Jean Mitry, Bertrand Tavernier, Peter Bogdanovitch, Lindsay Anderson, Tag Gallagher...Scott Eyman il y a deux ans : personne ne démérite (à chacun son Ford d'ailleurs, les chef d'œuvres de l'un ne sont pas systématiquement ceux de l'autre, les derniers films illustrent ici un déclin, là l'accomplissement d'un génie de plus en plus désenchanté ).Mais la somme (plus de 800 pages) de Mc Bride doit être mise à part. Le livre complète, prolonge et approfondit un travail que l'auteur avait accompli avec Michael Wilmington et publié en 1974. Déjà l'accent etait mis sur l'une des dimensions les plus fascinantes de l'œuvre du cinéaste : le travail continu , pernicieux, du désenchantement, tant à l'égard de mythes soi-disant fondateurs qu'à l'égard de soi même, mieux encore l'exacte conjugaison-juxtaposition des deux. Sans lourdeur, sans démonstration, avec une fluidité dont on ne sait si elle décline le poème ou si c'est l'inverse...Tom, Ranse et Hallie sont des êtres de chair vivant dans l'ici et le maintenant avant d'emblématiser la loi naturelle ou la loi sociale, l'est ou l'ouest, le passé ou le futur...Quant à John Wayne, James Stewart et Vera Miles (on peut en dire autant de Thomas Mitchell ou Lee Marvin...), ils disparaissent derrière leur personnage. C'est dire la mise en scène... (The Man who Shot Liberty Valance, 1962) . Joseph Mc Bride explore justement cela en tout premier lieu, un Ford de chair et de sang à retrouver dans les films, puisqu'il y est ,souvent, complètement, alors que les entretiens relevaient de la farce/camouflage : « with a camera » ...réponse grognée à une question de Bogdanovitch sur le tournage du landrush dans 3 Bad Men...
Mieux que jamais avant lui, Joseph Mc Bride immerge le lecteur dans ce qu'il pressentait du mystère fordien (the « John Ford Mystery », expression toute faite outre-atlantique) : la décrépitude physique et morale alcoolisée depuis longtemps, terrible les quinze dernières années , non seulement n'a pas compromis , mais a nourri , presque en vrac : The Searchers, The Man who Shot Liberty Valance, Two Rode Together (pourtant atrocement dévalué par son auteur) et Seven Women. Rien que ça. Joyce, Bekett, Mc Lowry, Huston, Ford...les Irlandais...
« You say someone's called me the greatest poet of the western saga.I am not a poet, and I don't know what a Western saga is. I would say that is horseshit »