Infini coquillettes
de Sylvie Bocqui

critiqué par Sahkti, le 24 décembre 2004
(Genève - 50 ans)


La note:  étoiles
S'inventer l'amour
"Elle aime sa mère à la folie comme les chiens font avec ceux qui les repoussent."

J'ai été impressionnée par la force de cette gamine mal aimée des siens, cette douleur qu'elle raconte avec des mots d'enfant. Cette résistance, cette lucidité qui pointe au milieu des mots naïfs. Des mots qu'elle emploie pour vivre dans son imaginaire, pour conserver sa place au milieu d'un monde trop dur pour elle. A plusieurs reprises, j'ai fait des rapprochements avec "Lucy comme les chiens" de Catherine Rey. Des aller-retours identiques entre l'enfance et l'âge adulte, entre douceur et cruauté, entre naïveté et lucidité. La narratrice est une fillette en manque d'amour, cela ne l'empêche cependant pas d'en distribuer à la pelle, à l'aide de petites phrases, d'histoires et de réflexions.

"La petite, elle, cherche des idées, des leurres généreux, rieurs et baratineurs, des inventeurs de boniments, des stimulateurs de coquetterie, des boucleurs de cheveux. Elle refait le monde, plante des vignes et des pommiers d’amour. Elle jette du pain aux pigeons et aux mouettes. Assise sur le banc, se soliloque une histoire de vilain canard. Vient alors le souvenir d’un cendrier qu’elle avait bricolé pour la fête des pères avec une coquille de Saint-Jacques, un cure-pipe argenté, du carton noir, deux boutons de couleur et des plumes prises dans l’édredon. Et soudain une sirène d’ambulance dans le lointain. Comme il fait froid sur ce banc. Les leurres bien sûr se sont débinés."