Pré-cheyenne (partition blanche)
de Laurent Thinès

critiqué par Débézed, le 19 avril 2024
(Besançon - 77 ans)


La note:  étoiles
Des grands espaces en vers
Lorsque j’ai fait, il y a quelque semaines, la connaissance de Daniel Ziv, fondateur de Z4éditions, il m’a confié quelques-uns des livres qu’il a édités dans sa petite maison installée dans le Haut-Jura à quelques dizaines de kilomètres de mon village natal. Parmi ceux-ci figuraient ce recueil de Laurent Thinès qui exerce son art de neurochirurgien à quelques centaines de mètres de mon domicile actuel.

Laurent Thinès n’est pas qu’un chirurgien reconnu par ses pairs et ses patients, c’est aussi un poète que j’ai découvert lors de la lecture de ce recueil qui m’a transporté dans les années soixante quand je gardais un petit troupeau de montbéliarde sur les plateaux du Haut-Doubs. Souvent, je rêvassais couché dans l’herbe, admirant les magnifiques paysages de notre belle région et je m’imaginais dans un western, fort à la mode à cette époque, comme un indien parcourant les vastes étendues que Laurent Thinès décrit magnifiquement dans ce recueil.

J’ai eu l’impression que lui aussi a pu trouver l’inspiration en contemplant nos superbes paysages, comme celui qui orne la couverture de ce recueil, et y voir paître des montbéliarde/bison, galoper des chevaux, « Les chevaux piaffent / comme pour un jour de grande bataille ». Ainsi, Laurent Thinès reconstruit un monde d’ailleurs au fond e son jardin ou creux d’une prairie du Haut-Jura. «… / Je suis / témoin de ce qui est passé – ici / mémoire de ce qui s’est passé - Là-bas ». Il chanta la gloire du peuple Lenapes victime comme tous les peuples amérindiens de l’appétit vorace et de l’arrogante supériorité des colons venus d’Europe. « Peaux rouges, plumes noires / Homme-blanc aura donc fini par tout corrompre ».

Laurent Thinès chante les grands espaces comme un écrivain de l’école de Missoula, Richard Hugo, DM Johnson et de nombreux autres qui les ont suivis sur cette piste littéraire. Il pourrait lui aussi figurer sur la liste de ces écrivains du Montana. Il décrit la nature dans un vocabulaire tout en couleur, images et sons : « Une pensée, une couleur, une mélopée, une rumeur / ici presque rien / peut soulever un pétale ou déclencher une tornade ». On retrouve dans ses images, dans ses références, dans ses descriptions de la faune et de la flore des images de notre région et tout un petit peuple qui hante nos forêts et nos vertes prairies.

Peut-être ai-je encore rêvé mais j’ai l’impression que, comme moi, Laurent a vu les indiens parcourir les moins grands espaces qui sont les nôtres en voulant leur rendre la noblesse qui leur est due après leur massacre sur l’hôtel de la richesse des Blancs. Il a su avec un vocabulaire très poétique faire chanter ses mots sur des vers aussi libres que les habitants des espaces qu’il chante. ses vers sont frais comme un ruisseau dans une verte prairie, bondissants comme des cervidés dans les sous-bois, rythmés comme un chant indien. Ce long poème pourrait être aussi la page actuelle qui viendrait s’ajouter au Walam Olum , le poème mémoriel des indiens qui raconte leur histoire depuis les origines.