Demain, les loups
de Fritz Leiber

critiqué par Magicite, le 18 avril 2024
(Sud-Est - 45 ans)


La note:  étoiles
Un loup pour l'homme
Sous les traits d'un roman il s'agit d'un recueil de 4 histoires espacées dans des temps futur sur le même thème.
La première histoire est le récit le plus abouti et aborde des sujets chers aux récits d'anticipation avec originalité et une partie visionnaire.
Elle se passe dans une société où la majorité des humains vivent sous terre dans des bunkers hyper technologiques.
Le "héros" est un original qui refuse de vivre sous terre avec les autres et pour sa capacité à être imaginatif (ce que ne semble plus avoir la société humaine qui vit dans les abris souterrains) il est écrivain et inventeur. Jusqu'à ce qu'il propose l'idée d'une invention: un appareil "aide-mémoire" permettant de rappeler à son possesseur des tâches définies à l'avance.
Certes à l'ère des "smartphone" ce n'est pas une originalité mais en 1966 cet appareil relié directement au cerveau humain pour mémoriser nos tâches devait l'être.
Rien ne va se passer comme convenu et j'ai apprécié l'originalité pour l'époque des idées qui seront exploitées dans les 2 décennies suivantes par les films d'horreur et de SF.
La violence, le meurtre et la folie trouveront une solution finale par les capacités de l'auteur/inventeur à proposer une alternative aux machines loin de leur hôte humain.

Le second récit nous plonge dans le quotidien "horrifique" d'errants dans des terres dévastées devant vivre seuls et sur leurs gardes car toute confrontation avec d'autres individus ne peut aboutir que sur l'un assassinant l'autre.
L'un des protagonistes croise une femme comme lui et ils décident d'aller vers la seule alternative qui n'est pas de s'entretuer: le sexe.
Si cette première partie est originale j'ai trouvé la suite un peu longuette. Ces deux individus dévastés physiquement et moralement finissent par tuer un être venu d'une société élaborée ayant survécu et découvrent le monde hors de leur terres désolé en compagnie d'un "guide" qui est un vieil homme qui a vécu comme eux mais a finalement renoncé à ce mode de vie qui est uniquement de tuer toute autre personne rencontrée afin de ne pas être tué.
Ils découvrent donc une société de factions/nations en guerres, ayant conservé une puissance technologique et une société organisée hors de leurs terres dévastées (les USA bien entendu pour un auteur US).
Ce n'est pas approfondi mais le thème est là: la violence, envie meurtrière de l'humain, est une constante.
La pointe d'humour/ironie de Leiber, ancien pasteur, n'est pas suffisante pour alléger l'ensemble qui peut paraître un peu trop caricatural.
La troisième et quatrième histoire nous plongent dans des considérations plus philosophiques au détriment de la présentation/attachement à des personnages (par rapport aux précédentes).
On retrouve dans la troisième des personnages dirigeants de la société et ayant des vues d'ensemble.
Autant que la violence dépeinte (ici) comme inhérente à l'humanité ce sont d'autres "folies" qui s'y ajoutent et leurs conséquences dans la société quand les humains/dirigeants humains sont conduits par eux.

La dernière histoire présente des idéalistes dans une société autoritariste dépourvue de toute violence que le protagoniste principal rencontre après avoir été sélectionné pour mourir à la guerre, la guerre n'étant qu'une mascarade d'état pour fournir un exutoire à une société sans violence.
La conclusion est forcément cynique.

En conclusion si les thèmes abordés et réflexion amenée par ceux-ci sont intéressants, l’exécution de ceux-ci est plutôt laborieuse.
L'humour entre cynisme, ironie ne contrebalance pas l'horreur froide par petites touches qui affirme une radicalité sans en avoir vraiment les atouts.
Le problème principal reste le manque de liens entre les histoires qui lui donne un aspect recueil.

Certes il existe au delà de l'aspect chronologique (inutile d'ailleurs puisque les époques sont sans liens directs) mais cela donne plutôt une impression de manque de cohérence narrative.
L'auteur explore jusqu'à plus soif sa vision philosophique de l'humanité possédant une violence comme moteur (et folie mais les rattache ensemble) et c'est souvent bancal, reste anecdotique plus qu'une véritable réflexion.
Nonobstant il y a une certaine vision et originalité qui donnent envie de s'intéresser à ce livre jusqu'au bout même si on sait où il va.
Première découverte de Leiber j'irai voir à l'occasion si d'autres romans plus connus/cotés de lui existent.