La dépouille du serpent
de Slobodan Šnajder

critiqué par Sahkti, le 4 décembre 2004
(Genève - 50 ans)


La note:  étoiles
Faire semblant pour survivre
"La dépouille du serpent" est un texte qui fait mal. Pas uniquement par les faits qu’il développe mais par les interrogations qu’il suscite.
Azra est une jeune femme victime d’un viol collectif, qui "porte un serpent dans le ventre", un enfant... Elle est salie et meurtrie, elle se sent habitée par le mal, elle n’arrive plus à parler, aucun mot ne franchit la barrière de ses lèvres. Il n’y a que le langage imaginaire pour l’aider à extérioriser ses blessures. Azra invente l’enfant à naître et le déteste, le raconte, essaie d’apprivoiser son mal…

J’ai été très touchée par le réalisme et la force qui se dégagent de l’écriture de Slobodan Snadjer. Il semble habiter l’esprit de Azra Vous me direz que c’est normal, vu qu’il est l’auteur, mais ça dépasse la simple narration d’états d’âme, il y a comme une appropriation personnelle des pensées de son héroïne. C’est frappant, l’auteur et son personnage ne font qu’un et en utilisant ce langage de l’imaginaire qui permet à Azra de s’exprimer, Snadjer prend sans doute le recul nécessaire pour arriver à se glisser dans sa peau sans que cela sonne faux.

Quelque peu assommée par le drame qui est arrivée à Azra, je me suis prise de compassion pour elle et, en même temps, il y avait un sentiment dérangeant, celui de vouloir lui hurler que cet enfant n’était responsable en rien de ses malheurs, qu’elle ne devait pas le détester. Mais il représente l’acte pervers, il incarne la mal… Douloureux paradoxe qui m’a plongée dans un certain désarroi. Un état petit à petit atténué par le langage d’Azra, porteur d’espoir et d’amour pour la vie, effaçant le vilain pour préserver le beau. Un mensonge, certes. Une altération de la vérité que l’imaginaire travestit. Un enfermement dans des rêves qui masquent la réalité. Une fuite. Absolument. Parfois, c’est bon de fuir et de faire semblant…