Céline et le grand mensonge
de André Rossel-Kirschen

critiqué par Jules, le 29 novembre 2004
(Bruxelles - 79 ans)


La note:  étoiles
Plein la gueule pour pas un rond !
Nous sommes très nombreux à savoir que Louis-Ferdinand n’était pas tout à fait le modèle de l’homme « clean » sous tous rapports, notamment, à cause de ses écrits antisémites. Ce n’est pas encore aujourd’hui que nous allons clore le débat !

Tout simplement, voici un nouveau livre à mettre au dossier « Louis-Ferdinand Céline » et il pèse son poids ! Il pèse d’ailleurs tellement son poids qu’il pourrait presque en devenir suspect aux yeux de certains.

L’auteur commence par nous citer ce qui peut être lu comme biographie de Louis-Ferdinand dans « Le Petit Robert 2 » dictionnaire des noms propres. A la fin de cette citation, il nous dit : « Or tout est faux dans ce résumé biographique. » et nous déclare ne pas en vouloir au « Petit Robert » qui n’est certainement pas, dit-il, le seul à donner ce genre de texte.

Voilà, notre génial Louis-Ferdinand ce serait merveilleusement bien débrouillé pour créer lui-même la biographie qui l’arrangeait. Et, à la lecture du livre, cela semble pour le moins vrai.
Encore une fois, nous savions tous que Céline n’était pas à son premier mensonge près, mais ici c’est à une pyramide de mensonges que nous sommes confrontés ! Selon Rossel-Kirschen tout serait faux. Et, cela va de soi, la réalité serait moins à son avantage que sa propre version. Pourquoi aurait-il fait le contraire ?

Et l’antisémitisme, me direz-vous ?… Selon Rossel-Kirschen il n’aurait jamais été vraiment antisémite, mais son âpreté au gain l’aurait amené à écrire ces fameux livres parce qu’ils allaient dans le sens du temps et qu’il était certain d’en vendre beaucoup. Il est flagrant d’ailleurs qu’il était beaucoup plus raciste qu’antisémite, car il rangeait les noirs et les jaunes dans la même catégorie !… Pas plus intelligent d’ailleurs !… Céline écrit : « Qu’est ce que le Juif ? Le Juif est un nègre, la race sémite n’existe pas, c’est une invention de franc-maçon. Le Juif n’est que le produit d’un croisement de nègres et de barbares asiates. »

Ce qu’il écrit est tellement énorme que Gide dit ceci à propos de « Bagatelles pour un massacre » : « Il est évident qu’il veut rire… La juiverie n’est ici qu’un prétexte. Il empile haut comme un sixième des blagues pathétiques et sans importances comme on l’espère bien qu’il continuera de faire dans les livres suivants. » Le malheur veut qu’il va continuer car, en effet, son livre fera un véritable carton et se vendra plus que ne s’était vendu « Le voyage » !…

Louis-Ferdinand sera tout aussi énorme dans ses rapports avec l’argent et on le voit passant son temps à injurier ses éditeurs considérant qu’ils le volaient tous. Il n’en avait jamais assez et exigeait à chaque fois d’être payé cash sur le total de l’édition au moment de son impression. Gaston Gallimard, au lendemain de la guerre, qui considérait qu’un tel auteur ne pouvait pas être publié ailleurs que chez lui, se verra pressé comme un citron et traité de tous les noms pour le même prix ! Mais, après tout, c’était lui qui voulait Céline, pas l’inverse…Mais il était pire encore quand c’était lui qui devait de l’argent aux autres !

A mes yeux cependant, outre son racisme, le plus vilain côté de son caractère se trouvait dans le fait que, dès qu’il n’avait plus besoin de quelqu’un, il le jetait comme un mouchoir en papier usagé. Il semble qu’il serait vraiment arrivé à se disputer avec tout le monde !

Bien sûr, il suffit de lire ses textes pour sentir en lui un homme aigri, envieux et considérant que le monde entier se tournait contre lui. Il se sentait vraiment le bouc émissaire de tous les maux de la terre et ne voyait pas ce qu’il avait fait pour cela…
Et ce livre nous en révèle bien d’autres encore !…

Bien sûr, il faut faire la différence entre l’auteur de génie et l’homme. Ce génie personne ne pense à le lui enlever d’ailleurs, même pas Monsieur Rossel-Kirchen.

La seule chose un peu dérangeante dans ce livre, c’est que, aux yeux de son auteur, il n’existe pas de circonstances atténuantes et il n’aurait pas eu l’ombre d’une qualité. J’avoue qu’aux dernières pages cela commençait à me peser…

Mais, à supposé que tout cela soit vrai, je n’en aimerais pas moins l’auteur de génie qui a écrit « Le voyage au bout de la nuit » et bien d’autres très bons livres !

Monsieur Rossel-Kirschen termine son livre sur ces phrases :

« Certains auteurs, biographes et commentateurs, sont obligés de rendre compte d’une attitude abominable mais ils précisent immédiatement que cela n’a pas d’importance puisque Céline est un martyr et un génie. Nous pensons que cela a de l’importance. »

Et ce n’est pas faux… mais je n’en continuerai pas moins à penser que Louis-Ferdinand Céline est un génie de la littérature !