Hello Yellow Glove: New Drawings
de Jim Dine

critiqué par JPGP, le 24 septembre 2023
( - 77 ans)


La note:  étoiles
Jim Dine et le dessin
Pour Jim Dine chaque jour est neuf. Chaque dessin aussi. Il en a fait des milliers et sont devenus à leur manière un journal de l’œuvre. Le maître américain du Pop Art, pionnier du happening et artiste phare de la scène internationale revient à la Galerie Templon avec ce pan majeur – quoique méconnu – de son œuvre.

Dès 1974 l’artiste s’engage avec frénésie dans le dessin d’après modèle vivant. Cela le remet en contact avec l’enfant qu’il fut et qui ne cessait de dessiner. Mais le dessin le rattache aussi à la grande tradition des peintres européens qui restent ses maîtres (Rembrandt, Matisse par exemple).

Le dessin reste toujours la base de toutes les expérimentations de l’artiste. Il s’y libère et pour les créer multiple les supports : papier de soie, parchemin, pellicule plastique. Et il utilise fusain, feutre, peinture et collage. Se découvre dans ses esquisses et ses « repentirs » toute l’histoire de ses traces jusqu’à celles des doigts, des semelles ainsi que les déchirures et des découpes vestiges du temps qui passe.

Après son exposition « Pinocchio » et « Göttingen Songs » - ensemble spectaculaire de cinq grands cœurs peints sur toile – on retrouve à Paris les images obsessionnelles de l’artiste. Pinocchio en premier lieu, figure rémanente et métaphore de l’œuvre d’art à la recherche d’une humanité. Mais Gepetto-Dine développe aussi les figures du singe et du chat : issus eux aussi du livre de Collodi ils deviennent un couple d’amoureux touchant. Mais on retrouve aussi les arbres, les chats symboles de la ruralité ainsi qu’une série de portrais de l’ami et complice pour les gravures de l’artiste : Gerhard Steidl.

Ce livre prouve qu'Il ne faut donc pas voir, dans ces dessins de simples digressions romantiques ou des figures au rabais. Dine les précipite subtilement dans une « verticalité asymptotique » et met l'accent sur l'essentiel : le manque qui anime tout mythe au nom de la perte et de l’absence impossible à combler : celle de l’image première à savoir celle du cœur, du cœur d’enfant.

Toute l'écriture plastique de Dine est là. Le dessin en exprime le plus sûr des relevés, ses obsessions. Il détruira beaucoup de leurs « tendres compulsions » selon le mot de Louise Bourgeois. Au nom parfois de la mélancolie et de la nostalgie mais il gardera ceux qui les personnels traduisent la joie affichée du créateur au sein d’une enfance-cœur. Les dessins qu'il nomme « les hypothèses de rien » sont aussi les hypothèses de tout. Il propose au spectateur leur parfait coups de cœur.

Jean-Paul Gavard-Perret