Mirages dans ma valise
de Montaha Gharib

critiqué par Débézed, le 9 août 2023
(Besançon - 76 ans)


La note:  étoiles
Des mots mitraillettes pour un peuple accablé
Je connais un peu la situation que décrit Montaha dans le présent recueil, j’ai eu l’opportunité d’en lire un précédent et, à cette occasion, j’ai eu un échange avec elle. Son témoignage est vraiment très émouvant, accablant pour ceux qui dirigent et pillent ce pays mais aussi pour ceux qui laissent faire sans bouger même le petit doigt. Claude Donnay, l’éditeur, dans une préface très éclairée, précise bien les conditions dans lesquelles Montaha a écrit ce nouveau recueil. C’est un véritable cri de rage, de douleur et de désespoir mais aussi un geste de rébellion, de résistance et de volonté. L’accablement fait vite place à la volonté de lutter pour que le Liban et son peuple vivent encore dans la paix et la sérénité. Mais elle a besoin de crier son accablement :

« Beyrouth ma bien-aimée / Qui t’a éventrée / … »
« Ici la terre promet / La nuit avant le jour / L’ombre gomme la lumière / Plus rien n’est clair / Le monde , le mien, est chamboulé / Foutu en l’air … »

Et, pour que tous ses lecteurs comprennent sa rage et sa douleur, elle explique avec des mots, des vers, des poèmes tout ce que les Libanais subissent :

« Cherche du ravitaillement / … », « La voiture boude depuis si longtemps / Devant la maison / Faute de carburant / … », « Reprise les chaussettes, rapièce chemises et pantalons / … », « Tu auras besoin de tout / Pour confectionner des mouchoirs / Des couches pour ton nouveau-né / … ». Un véritable inventaire à la Prévert, en vers, des misères que peut supporter un peuple démuni de tout, privé de tout, spolié, pressuré, dépouillé…

Au-delà de la misère, Montaha, cherche à savoir pourquoi, comment, le Liban en est arrivé à ce point de dégradation sociale et humaine. La responsabilité du peuple serait-elle engagée : « « Qui a élu ceux qui ont vendu le pays / Pour une bouchée de pain ? ». « On te berce d’illusions / Puis on t’abandonne à tes tourments ».

Réfugiée à l’étranger, Elle veut quitter définitivement son pays qui l’a trahie. « … / S’éloigner pour oublier /Arracher le passé / Enterrer les souvenirs / Et ne plus revenir / Et commencer une nouvelle vie / Dans un autre pays / … ». Mais, elle ne peut plus vivre ailleurs en sachant les siens, ses amis et son peuple dans la misère la plus totale. « … / Ma famille mes amis / Je reviens / Je n’en peux plus / Loin de vous Loin de mon pays à l’agonie / Pour le meilleur et pour le pire / On va s’habituer à revivre / Ensemble ».

Elle veut se battre avec ces mots, « … / Nos mots sont des mitraillettes / Nos cris des pelotons d’exécution / Citoyens de mon Liban / Gardez le front haut / L’avenir vous appartient / … ». Elle est une femme rebelle, une femme de ce pays millénaire où chaque centimètre carré de sol est imprégné de sang. Elle le crie bien haut, comme pour mobiliser ses compatriotes ; « Je suis une femme orientale / Et je défie tous ceux qui veulent / Dicter ma vie, / Car libre je suis, / Et sensuelle, et sentimentale / Et romantique, et géniale ».

On compatit avec elle quand ses mots deviennent larmes, on se relève bien vite, prêts pour le combat, quand ses mots deviennent projectiles et on l’accompagne quand elle appelle à la révolte.