Elephants, Whales & Kangaroos
de Tomi Ungerer

critiqué par JPGP, le 16 juillet 2023
( - 77 ans)


La note:  étoiles
Authentification des vertiges : Tomi Ungerer
Entre le royaume du dessin et celui de l’animal un dialogue commençait chez Tomi Ungerer dès les années 50 et 60 selon des épures parfaites et audacieuses. Elles réveillaient les regards et les éveillent encore. Loin des ombres demeure l’éloge de la ligne pure.

Le caractère « tactile » du dessin d’Ungerer permet de comprendre l’élaboration d’une pensée en acte. Dès l’origine les œuvres ne racontent pas : elles « prophétisent » de manière ludique. D’après nature, d’après « modèle » certes, mais surtout selon un imaginaire qui bat la campagne.

L’artiste a toujours su éviter le discursif. Il a inventé le minimalisme graphique pour offrir un monde capable de séduire adultes et enfants. La solitude de quelques traits biffe tout superflu. Le grouillement des lignes est inutile.

Il s’agit de suggérer le maximal à un minimum de traits pour voir ce qu’on croit connaître mais qu’on n'a jamais vu ou qu’on ne voit pas encore. Et soudain l’œil découvrir une plénitude au sein du presque rien.

La couleur se retire. L'air entre dans l’espace du support grâce à l’épure. Celle-ci évite la dispersion et fait oublier nos références. Le dessin se laisse envahir par le manque qui est aussi son vertige. L’animal n’a plus besoin de ses formes pour séduire.

*Il reste désormais le silence. Mais tout autant une charge et presque des odeurs dans l’air. Au cloisonnement répond l’évasion. Le monde change de formes mais il est bien là.

Dès ces premiers « sktechbooks » republiés dns ce livre l’animal n’a plus besoin de toutes ses formes pour séduire. Dans une forme de légèreté et d’humour selon diverses facettes une vision fantomale recrée le réel, elle devient une note en marge d'un texte du monde presque totalement effacé.

Nous pouvons d'après le dessin déduire ce qui devait être le « texte » du monde car Ungerer en multiplie le sens. L’espace est à l’intérieur de l’espace. Il n’est pas à l’intérieur des animaux qui eux-mêmes nous hantent. C’est ce qui à l’œuvre comme à l’être toute sa présence.

Jean-Paul Gavard-Perret