Charles V Le Sage: ou les limites d'un grand règne
de François Sarindar-Fontaine

critiqué par Francois Sarindar, le 4 juillet 2023
( - 66 ans)


La note:  étoiles
Biographie de Charles V le Sage
J'avais promis de ne pas laisser sans suite mon livre intitulé : Charles V le Sage, Dauphin, duc et régent (1338-1380), et voilà que j'ai tenu parole. Dans ce second volet où je fais le lien avec le précédent par une première partie qui sert de pont en couvrant la période de 1358 à 1364, j'en viens enfin au règne miraculeux mais trop bref du Sage roi (1364-1380). Cette brièveté explique qu'il n'ait pu terminer un travail d'effacement des pertes territoriales consécutives à la défaite de Poitiers de 1356 et à l'inacceptable traité de Brétigny conclu avec Édouard III en 1360. Ce roi qui n'était nullement un roi chevalier mais un "roi avocat" comme le reconnurent les Anglais qui croyaient le déprécier par là, apprirent à leurs dépens à qui ils avaient affaire quand, avec l'aide de son frère Louis d'Anjou et de son connétable Bertrand du Guesclin il reconquit entre 1369 et 1380 les territoires cédés aux Anglais et Anglo-Gascons. Malheureusement, les Anglais ne perdirent pas l'habitude de revenir chez nous même si leurs ravageuses traversées du royaume, les "chevauchées", ne produisirent pas ce qu'ils espéraient : la confrontation en bataille rangée où ils excellaient grâce à leurs archers, Charles la leur refusant le plus possible et grignotant leurs possessions continentales ; mais le roi de France ne put leur reprendre ni Calais, ni Brest, ni Bordeaux, ni Bayonne, et cela pesa sur la suite. Les Anglais possédaient avec ces ports, plus Cherbourg aux mains du roi de Navarre, trop de portes d'entrée dans le royaume, ce qui, malgré les difficultés éprouvées par les contribuables anglais à accepter de gaieté de cœur de financer les coûteuses expéditions militaires d'Édouard III et de ses successeurs, ne pouvait qu'inciter l'adversaire à revenir sans cesse. Il ne s'en priva pas, et cela d'autant plus que ceux à qui Charles V crut pouvoir confier une succession qu'il pensait avoir bien préparée, compromirent son patient travail, que ce fussent ses propres frères, oncles de Charles VI, ou ses anciens conseillers, que Charles VI rappela un temps auprès de lui. De plus, Charles V commit la triple erreur d'écouter le cardinal Jean de La Grange qui lui fit mettre le doigt dans le dangereux engrenage du Grand Schisme, de vouloir annexer le duché de Bretagne ce qui ne devait lui valoir que des déceptions et un véritable malentendu avec Du Guesclin montré du doigt par un Bureau de La Rivière trop influent en la circonstance, de proclamer enfin sur son lit mortuaire l'abolition des fouages - cet impôt par foyer qui permettait de financer les opérations militaires - lesquels furent bien sûr rétablis par la suite, ce qui devait réveiller la colère des élites bourgeoises et du peuple.
J'ai voulu terminer mon ouvrage en rappelant qu'un mythe est né de la réussite louable de Charles le Sage par rapport aux échecs de son prédécesseur Jean II le Bon et son successeur Charles VI le Bien-Aimé puis le Fou : le trouvère Cuvelier qui termina son apologie rimée de Du Guesclin en 1387 s'attira en 1404 la réponse ou la riposte du duc de Bourgogne Philippe le Hardi qui fit appel à Christine de Pizan pour dresser un portrait magnifié de Charles V, et ainsi la légende se substitua à l'histoire- même si le livre de cette excellente autrice est remarquable de par ses aperçus biographiques et de par le portrait réaliste qu'elle fait de ce monarque. Ce panégyrique s'est continué plus ou moins dans le temps à l'avantage du roi et au détriment du connétable Du Guesclin dont Édouard Perroy et Philippe Contamine ont cherché à écorner un peu la gloire personnelle. Ils ont oublié, ce faisant, que le mythe de l'un ne pouvait fonctionner sans celui de l'autre, et que l'on ne pouvait diminuer l'un sans s'en prendre à l'autre et que le serviteur avait fait exactement ce que le roi, le maître, voulait que son connétable fît. Voilà pourquoi j'expliquais que la biographie de Charles V par Françoise Autrand pour riche et intéressante qu'elle ait été, ne rendait pas compte de tout. Des divisions et déchirements apparus autour de Charles VI aussitôt Charles V mort devait malheureusement surgir, au bout du compte, la fameuse querelle des Armagnacs et des Bourguignons, ce qui devait faire les affaires d'Henry V de Lancastre, qui allait justement débarquer dans l'ancien fief de Charles V, la Normandie, dont le roi Sage avait été le duc. On connaît la suite : Azincourt (25 octobre 1415). La guerre franco-anglaise devait durer plus de Cent Ans.

François Sarindar-Fontaine