Mineriada
de Anton Roland Laub

critiqué par JPGP, le 19 juin 2023
( - 78 ans)


La note:  étoiles
Anton Roland Laub et les mineriades
"Ce livre aborde la division sociale qui a conduit la Roumanie à une décennie d’isolement. Le point de départ sont dix Polaroids pris par mon père illustrant la dévastation de Bucarest en juin 1990. Et mon travail examine les lieux des événements et le traumatisme inexprimé de la violence physique, lorsque des milliers de mineurs fidèles au régime de Transylvanie ont été amenés dans la capitale pour matraquer brutalement les étudiants et l’opposition pro-européenne" écrit Anton Roland Laub..

A l'époque, entre plus de 10 000 mineurs furent convoyés à Bucarest depuis la Transylvanie. Après plusieurs jours d’affrontements violents, le bilan s’élevait à 900 blessés et 67 morts, loin du chiffre officiel de quatre morts publié par le gouvernement après les événements. « Mineriada » est un terme utilisé de manière sarcastique et qui combine le mot roumain « miner » (mineur) avec le suffixe « -iada », comme dans « olimpiada ». La troisième minériade eut lieu du 13 au 15 juin 1990 à Bucarest. Ce fut la plus sanglante des six.

Ces actions ont scellé le maintien de l’ancienne élite au pouvoir, c’est-à-dire des successeurs postcommunistes de Ceaușescu, qui n’ont pas cherché à faire la lumière sur les événements et n’ont pas hésité à recourir à la violence contre les critiques. La justice n’a toujours pas fait la lumière sur ces crimes et le traumatisme reste transmis aux générations suivantes.

La mémoire collective est liée aux lieux où se sont déroulés les événements. Anton Roland Laub montre la Cour européenne des droits de l’homme à Strasbourg et se rend ensuite à Bucarest, sur la place de l’Université, à l’hôtel Intercontinental, considéré à l’époque du communisme comme un repaire de journalistes, de diplomates et d’espions.

Le photographe se glisse dans le rôle des témoins de l’époque, mais il le fait en s’attachant davantage aux ambiances qu’aux explications. Les images fixes s’animent et semblent prendre vie. L’exode des jeunes qui ont tourné le dos à Bucarest au cours des années suivantes montre que l’espoir s’est retiré à la suite de la minériade. Ils sont partis pour se sauver.

Jean-Paul Gavard-Perret