Le Cri du canard bleu
de Alexandre Vialatte

critiqué par JPGP, le 18 juin 2023
( - 77 ans)


La note:  étoiles
Vialatte : éloge du superfétatoire
Vialatte est devenu cultissime et intouchable ce qui fait dire à un critique de passage - au demeurant comédien brillant mais écrivain plus discutable dès qu’il joue sur la fibre dramatique - dans le Monde « Qui suis-je pour parler de Vialatte ? ».

La vitrine poétique de Vialatte est pourtant celle d’un brocanteur. Certes l’auteur ne prétend pas écrire l'histoire de la genèse et du chaos, pour autant et insidieusement son style dissimule une science de la nostalgie des plus anecdotiques. Vialatte est à ce titre le type même de l’écrivain surfait.

Il a su caresser un style particulier construit sur un faux savoir capable de recouvrir les apparences de l’Auvergne d’une aura pseudo poétique. Au lieu de révéler un ailleurs elle permet de ne jamais aller nulle part que là où l'on est.

Houdini de l’évasion digressive l’auteur fait pâmer tous les Jean-Louis Ezine et les chroniqueurs de France Culture. Vialatte joue d’une prose capricieuse dont la puissance poétique – si puissance et si poésie il y a – n’est propre qu’à séduire les gogos nostalgiques.

Comme le prouve ce livre, le chroniqueur a donc trouvé sa juste place dans un monde dépressif. L’évocation de son univers suranné fait acte de foi. Seuls les fervents du « Vieux style » comme disait ma Winnie de Beckett se pâmeront devant l’évocation d’un gramophone «à la gueule rose et ténébreuse » et s’en feront leur quatre heures ou leur quart d’heure de littérature.

Il est vrai que l’auteur sert de caution à la croyance selon laquelle retourner vers le passé revient à se ressourcer. Dès lors les «  incartades » à la fourme d’Ambert sont prises pour le poids des mots et le choc du sel de la terre.

Vialatte feint de prendre le bas pour le haut, l'obscurité pour la lumière mais a surtout le souci que tout reste bien en place. Rien de sauvage et ample, aucun bouillonnement sourd. Son canard bleu couine dans une basse-cour en ignorant les forêts immenses imprégnées de la nuit et de la chair de lune.

Cette stratégie littéraire était propre à séduire ceux qui Bougnats ou non avaient quitté leur terre pour Paris ou ceux qui citadins n’avaient de la vie provinciale qu’une vue stéréotypé. A bien lire Vialatte on voit comment ces « trucs » peuvent plaire mais combien ils se retournent facilement sur eux-mêmes.

Jean-Paul Gavard-Perret