D'abord le souffle
de Anne-Marielle Wilwerth

critiqué par Débézed, le 2 juillet 2023
(Besançon - 77 ans)


La note:  étoiles
Le souffle sacré du présent
Au cours de la dernière année écoulée, j’ai eu l’opportunité et le plaisir de lire plusieurs recueils de poésie d’Anne-Marielle, elle fait partie des auteures que je fréquente régulièrement. J’ai lu ainsi depuis juin 2022 : Vivre au plus près (Le Coudrier), Naître à l’immense (Grenier Jane Tony), L’accordéon du silence (Le Coudrier) et le présent recueil. Chaque fois, j’ai retrouvé la même poésie minimaliste, quelques vers, quatre toujours dans le présent recueil, de quelques mots seulement, des mots très chargés en émotion, en signification, en suggestion, en sensation, …, mais aussi en couleurs, en musique et en rythme. Tout ce qui exprime le souffle qui crée la vie, « le souffle sacré du présent » comme elle l’écrit si joliment dans sa gentille dédicace. Ces mots, elle les écrits en résonance avec les encres d’Eric Hennebique noyées dans un flou artistique qui se conjugue avec ces mots qui suggèrent plus qu’ils ne montrent ou exhibent.

Anne-Marielle ne dissimule pas qu’elle connait une certaine angoisse devant le temps qui coule, qu’elle cherche à faire durer le présent pour retarder cette fuite du temps, la nostalgie de la vie qui s’épuise, la sensation du terme qui approche, « Le grand livre d’aujourd’hui / ne sera plus demain que pages vides / … ». Elle cherche dans l’instant la sensation d’être encore pour oublier l’éphémérité du présent qui annonce la fuite du temps et la fin qui approche, « si l’éphémère / ne faisait pas que passer / ne serions-nous pas ancrés / dans une sorte d’éternité » ?

Ses poèmes veulent montrer au lecteur-vagabond égaré le chemin de demain sans épuiser trop vite le temps qu’il reste à vivre aujourd’hui. « On marche dans l’herbe des mots / sans trop savoir où l’on va / mais avec seule certitude / qu’il faut allonger le pas ». « Les fumées de brume / qui déverrouillent / Les portes fugaces / nous indiquant un chemin ».

Ses poèmes l’amènent aussi à évoquer l’existence, l’existence qu’il resta à vivre : « Parfois nous sommes pauvres / de ce qui frôle et jamais ne touche / Comment être sûrs alors / d’exister vraiment ». Et, que reste-il à la fin au bout de l’existence : « Quand nous aurons tout perdu / Qui s’inquiétera vraiment / sinon l’inquiétude elle-même / ou le poème » ? Alors vivons le présent goulûment, dévorons-le à belles dents, « Jamais / le présent ne se laisse distraire / par les coups incessants / frappés aux portes d’hier ». Et demain sera chargé de moins d’inquiétude…

Anne-Marielle nous a dit cette inquiétude de voir le temps porté par le souffle du vent s’envoler loin de nos vies mais elle veut nous faire partager le réconfort qu’elle trouve dans la jouissance de l’instant même le plus mince, le plus éphémère, le plus fugace : « Un instant bref / pour contenir le monde / et ce que nous lui avons promis / aux heures les plus fécondes ». Alors nous laisserons porté sur le souffle du vent vers ses instants éphémères avant de nous envoler pour un ailleurs et d’exister à tout jamais dans l’écrit, dans les poèmes…