Prières nocturnes
de Santiago Gamboa

critiqué par Tistou, le 16 mai 2023
( - 67 ans)


La note:  étoiles
Colombie, Thaïlande, désespoir …
C’est dans le cadre des lectures du polars du monde entier que je suis tombé sur Santiago Gamboa et Prières nocturnes. Il s’agit de la Colombie, bien sûr, mais ce roman est davantage un roman qu’un … polar. Et c’est tant mieux en même temps.
Il n’est pas purement centré sur la Colombie, déborde largement le cadre de ce pays corrompu et toxique pour Bangkok et la Thaïlande, … d’un tonneau du même calibre, si je puis dire !
Manuel Manrique et sa sœur aînée, Juana, ont vécu une enfance détestable et mal entourée par des parents plus préoccupés par le paraître et la survie en pays hostile ; la Colombie des années Uribe (début des années 2000) avec les liens douteux du pouvoir avec les narco trafiquants, des milices paramilitaires et la lutte à mort contre les FARC.
Pour tout dire, Juana fut la seule personne qui prodiguât un minimum d’affection à Manuel et leur projet commun de parvenir à quitter définitivement la Colombie, pays maudit, est ce qui fait tenir Manuel. Sauf que Manuel va s’embarquer dans une mauvaise histoire de drogue au mauvais moment et au mauvais endroit ; la Thaïlande. Il risque la peine de mort s’il ne reconnait pas sa culpabilité et c’est là qu’intervient le Consul de Colombie en Inde, qui va devenir le narrateur principal, (Santiago Gamboa a lui-même été attaché culturel de l’Ambassade de Colombie en Inde), et qui gère entre autres pays la Thaïlande. Mandaté par son gouvernement pour superviser le cas Manuel Manrique, il va s’intéresser au jeune homme, tâcher de comprendre son histoire et les enchainements de faits qui ont conduit à cette situation, et du coup tomber sur l’histoire singulière de Juana, la sœur, qui deviendra peu à peu la grande protagoniste de ce roman, entre Japon, Iran et Colombie, bien sûr.
C’est l’occasion pour Santiago Gamboa de rafraîchir nos connaissances sur l’actuelle Colombie, et notamment la période de gouvernance d’Uribe où les disparitions mystérieuses pullulaient et où il était recommandé de ne pas trop ouvrir les yeux. Malheureuse Colombie, malheureux Manuel, flamboyante Juana dans sa misère !

»Il n’a pas fallu longtemps – un an, six mois, vous vous souvenez, monsieur le consul ? – pour que l’euphorie de l’élection d’Uribe se craquelle et que le soleil entre par les fissures. Comme souvent, ce sont quelques intellectuels qui ont sonné l’alarme. Ils ont critiqué chez Uribe son petit air de messie de province, la Vierge Marie toujours à la bouche, et on a commencé à parler de ses liens avec les escadrons de la mort et les paramilitaires.
Mon père se bouchait les oreilles, il ne voulait rien savoir. Son rejet du monde intellectuel est devenu une affaire de sécurité nationale – disait-il -, et en voyant ce qui se passait il multipliait justifications et explications. »