La dictature des ignares
de Alain Van Crugten

critiqué par Débézed, le 25 avril 2023
(Besançon - 77 ans)


La note:  étoiles
La Guerre froide à Varsovie
Jean, jeune Provençal diplômé en polonais de Faculté d’Aix-en-Provence, s’inscrit à l’Université de Varsovie pour préparer une thèse de littérature polonaise et aussi pour échapper à une fille trop volage qui le courtise assidûment quand elle se retrouve célibataire. Il bénéficie d’une bourse de deux ans (rentrée scolaire 1966 – fin d’année scolaire 1968) attribuée par la gouvernement polonais. A Varsovie, il rencontre quelques amis notamment des joueurs de volleyball, le sport qu’il pratiquait déjà à Aix, sa voisine de palier, une comédienne du théâtre juif de Varsovie, et Adela une jeune fille dont il tombe vite amoureux.

Un soir au théâtre, il assiste à une première manifestation lors de la représentation d’une pièce censurée par le pouvoir, cette manifestation se propage à l’université où les étudiants s’insurgent contre la censure et le pouvoir totalitaire. Voulant en savoir plus, il s’aventure dans le quartier universitaire où il est tabassé et raflé par les ZOMO, les sbires du pouvoir chargés de réprimer les émeutes mettant en danger les gouvernement totalitaire. Il découvre alors toute la perversion du régime communiste en place, certains étudiants sont enrôlés de force dans l’armée ou emprisonnés. Lui, détenteur d’un passeport français, on lui propose un marché pervers : la poursuite de son séjour et de ses études contre quelques renseignement sur ses amis ou relations. Le bon vieux système pratiqué dans tous les pays soviétiques à cette époque.

Ce texte est un bel exercice de révision pour tous ceux qui, comme moi, ont connu cette époque où deux blocs s’affrontaient déjà en Europe de l’Est. Jean découvre la misère du peuple en parallèle avec les passe-droits offerts aux membres du parti, l’espionnage quotidien des citoyens entre eux, la richesse culturelle, la seule restante, la liberté sexuelle comme palliatif au manque de loisirs, la débrouille permanente. Il découdre surtout la résurgence de l’antisémitisme latent en Pologne depuis la dernière guerre et le début des contestations qui proliféreront en Tchécoslovaquie et dans les tous les états de l’ouest à travers ce qui deviendra les « événements de mai 1968 ».

Ce récit se déroule sur deux temps : celui de la jeunesse à Aix et celui du début de la maturité à Varsovie. A Aix, Jean découvre les amis, les filles, l’amour, le russe et le polonais. A Varsovie, il découvre les Pays de l’Est, les démocraties populaires, le pouvoir totalitaire, la perversion politique, la manipulation des foules, l’utilisation des boucs émissaires, les jeux de pouvoir, la disette, le théâtre, les filles et la sexualité libérée.

Un texte mémoriel à l’usage de toux ceux qui, malgré la guerre qui enflamme l’Ukraine, auraient oublié que les partis communistes d’Europe centrale ont fortement implanté dans le cœur et l’âme des peuples un réflexe d’hostilité à l’intention de leurs voisins de l’ouest et une haine héréditaire à l’endroit du peuple juif. Ainsi, à la première occasion les citoyens bien endoctrinés, souvent les moins éclairés, se dressent pour soutenir les tribuns qui les poussent à la guerre pour assurer leur pouvoir.