Modeste proposition... et autres textes
de Jonathan Swift

critiqué par JPGP, le 7 février 2023
( - 77 ans)


La note:  étoiles
L'efficient courroux de Swift
Dans ces cinq textes Jonathan Swift préconise le droit au mal penser pour penser vrai. Des vertus d'apparence surgissent bien des vices. L'auteur traite mal les valeurs et institutions traditonnelle sans crupules mais avec un jeu détourné des cérémonies d'usage.

Ce livre est un régal. Il montre bien des ridicules et des censures pour les méprisant et indiquer comment les éviter ou s'en détourner. Swift est là le diacre affranchi qui fait de la satire un devoir auatnt face aux gens de loi, aux astrologues etc. dans ces pamphlets carnavalesques qui dynamitent toute bien pensances.

Ceux qui se disent clairvoyants restent pour lui souvent des aveugles-nés et des tonneaux d'autant plus sonores qu'ils sont vides. La folie reste leur sagesse mais ils veulent qu'on obéissent à leur ordre. Swift ne s'en laisse pas contenter et le prouve.

Jean-Paul Gavard-Perret
Philosophie narquoie et satirique 8 étoiles

Quel plaisir de retourner en Irlande, une de mes destinations littéraires privilégiées, et de plus pour y découvrir l’un de ses plus grands écrivains, l’un des pères de cette merveilleuse littérature : Jonathan Swift, dans un recueil de textes concocté par Les Editions Louise Bottu. Ce recueil comporte cinq textes dont le premier lui donne son nom, en fait son titre est beaucoup plus long que celui du recueil, il explicite presque complètement le contenu du texte : « Modeste proposition pour empêcher les enfants des pauvres en Irlande d’être à la charge de leurs parents et de leur pays et pour les rendre utiles au public ». Cette proposition qui se veut modeste paraitra certainement particulièrement sordide, ignoble et abominable à nombre de lecteurs mais Jonathan Swift a seulement voulu, à travers cette infâme parodie, narguer les mesures prises par les gouvernants qu’ils soient irlandais ou anglais pour faire face à la désastreuse famine qui a anéantissait la population de l’ile à cette époque, un siècle avant celle qui fit un million de morts. Jonathan Swift déverse un torrent d’ironie pour narguer ses mesures absconses et totalement inefficaces. Ces mesures auraient aussi l’avantage, selon l’auteur, de réduire le nombre de papistes, lui étant bien évidemment protestant.

Le deuxième texte du recueil, Méditation sur un balai, a été écrit par Swift à l’époque où il était chapelain et faisait la lecture à la comtesse dont il dépendait. Il s’ennuyait fort des médiocres lectures qu’elle lui demandait de lire, aussi décida-t-il un jour d’écrire un texte narquois évoquant la médiation d’un balai. Il inséra le texte dans le livre de la comtesse et lui en fit la lecture. Elle le trouva fort spirituel et s’en ouvrit à des amis qui lui révélèrent l’origine de ce texte. Ce fut la dernière lecture que son chapelain lui fit.

Le troisième texte, Irréfutable essai sur les facultés de l’âme, concerne ce qu’il voudrait que l’on considère comme le « plus grand effort de (son) génie », un ensemble de pensées nouvelles, inédites, pour remettre en cause les platitudes habituelles et les discours convenus. J’aurais tendance à y voir une certaine influence des philosophes ayant éclairé le XVIII° siècle.

Le texte suivant, Pensées sur divers sujets moraux & sujets divertissants, résulte d’un accord entre Swift et Pope pour s’échanger des réflexions quotidiennes sur tous le sujets qui pourraient leur venir à l’esprit. Ce texte ne comporte que celles que Swift a écrit : des réflexions, des recommandations, des maximes, des aphorismes qui pourraient figurer dans les meilleurs recueils, des textes pleins de bon sens, souvent drôles et digne de la morale prônée par Jean de La Fontaine dont il connaissait peut-être l’œuvre. J’ai relevé cette réflexions frappées du coin du bon sens, elle ferait un bel aphorisme : « Tout le monde désire vivre longtemps, mais personne ne voudrait être vieux ».

Enfin, pour conclure ce recueil, l’éditeur a choisi de placer ici Résolutions pour l’époque où je deviendrai vieux, comme l’indique le titre un ensemble de bonnes résolutions, ironiques bien sûr, que l’auteur veut prendre avant de devenir trop vieux pour songer à les prendre. La première pourrait être encore très actuelle : « Ne point épouser une jeune femme », elle pourrait servir à des vieux pas toujours beaux mais presque toujours ridicules qui s’affichent avec des femmes encore adolescentes ou du moins en ayant l’allure.

J’ai beaucoup aimé l’esprit narquois, moqueur, sarcastique de Jonathan Swift pour proférer avec beaucoup d’humour, parfois noir, des vérités tellement évidentes et si pertinentes. On peut l’inscrire lui aussi dans le cercle des lumières qui illumina le XVIII° siècle. Et, comme la plupart des auteurs irlandais, il possède l’art d’écrire avec finesse et élégance même pour dire les choses les plus cruelles et les plus sombres.

Débézed - Besançon - 76 ans - 12 mars 2023