Nuits et jours
de Marcel Migozzi

critiqué par Septularisen, le 2 février 2023
(Luxembourg - 56 ans)


La note:  étoiles
«Et la banalité du bleu // Le vents de l’île la dépose // Dans les mots a dulcezza.»
«En avril dans le cerisier
Le vent est visible
En pétales.»

«Nuit et jours » est le quinzième livre de Marcel MIGOZZI (*1936), paru en 1995 dans la collection «GRAPHITI» de l’éditeur luxembourgeois PHI.

Le recueil de poésie se divise en trois grandes parties : Tout d’abord «L’autre nuit», dans lequel le poète raconte, - avec ses mots poétiques cela va de soi -, un accident de voiture qui a failli lui arriver et auquel il a échappé de justesse : «Une masse évitée de noir».
Le poète poursuit toutefois dans la voie du raisonnement comme si l’accident avait bien eu lieu, et nous en raconte même les conséquences : «Les enfants prévenus. La puantise // Identifiée. » Attention toutefois, c’est tout sauf triste et dramatique. C’est très bien écrit, sublimé même, devrai-je dire, par le talent de M. MIGOZZI.

«Quelques centimètres. Les mêmes
Qui séparent parfois le désir
D’une bouche
Qu’il voudrait envahir.»

La deuxième partie, intitulée «L’Amandier», est un long poème hommage au poète suisse Philippe JACCOTTET (1925 – 2021), (1) au travers de cet arbre.

«Ce soir devant l’amandier comme au bleu
Ancien épais des bocaux chez la pharmacienne
On rêve. C’était à la sortie d’un miroir,
D’un parfum éclairé
De la blancheur nue d’une blouse.»

La troisième partie «Moments de mer et de soleil» est, elle, un hommage à ces deux éléments, et bien sûr à «sa» Provence. Ce sont des pages où le soleil brille, où la mer sent l’iode, où le sable est chaud, où les terrasses sont remplies, les roses poussent, les gens font la sieste sous les arbres, et où la pluie est «jeune»…

«Elle s’avance sur la plage
Le dieu d’alcôve dans ses reins.

Le temple est invisible encore.

Mais le désir pose un couteau
Sur la première marche nue.»

Enfin, la dernière partie, «Parlons peu», est celle qui m’a le plus enchanté dans ce recueil. Il s’agit d’une série de courts textes, de trois (parfois même deux) lignes, qui sont comme des «réflexions poétiques». Cela n’est pas sans rappeler les Haikus japonais, ou plus près de nous, la poésie de la luxembourgeoise Anise KOLTZ (*1928, de son vrai nom Luise Anna BLANPAIN) (2).

Cela parle de tout et… de rien! Mais toujours avec un immense talent poétique. Il faut le reconnaître modestement : Ce n’est certainement pas comme cela que nous décririons ces sujets les plus divers, si nous devions les écrire…
Je vous laisse juge :

«Un lit d’hôtel à une place.
Le lavabo au coin honteux.
Sans étoiles ni jour.»

«Si l’enfant la piétine
Est-ce pour défier la flaque
Ou l’adulte?»

«Dès le matin
Quelques médicaments.
Vieillir»

«On protège les enfants
Comme on aime les buissons.
Sans les tailler.»

«Au jardin, oubliée.
Sous la pluie, c’est trop tard
Pour la chaise en paille.»

«Chaque sommet défend
Sa vallée, toi
Tes souvenirs.»

«Prise électrique.
Au bas du mur, deux yeux
D’espionne.»

«Oui, la pierre qui fera froid
À tout le corps,
Elle existe déjà.»

«L’eau dans la mare mais
Si près
De se vider en nous.»

«Sois beau marcheur, ici
Ou sur n’importe quel sentier
Les pierres te précèderont.»

Marcel MIGOZZI est certainement un poète qui mériterait de prendre une place essentielle dans la poésie contemporaine de langue française. Il est dommage qu’aucun grand éditeur ne l’ai jamais compris…

(1) : Cf. ici sur CL : https://critiqueslibres.com/i.php/vauteur/2115
(2) : Cf. ici sur CL : https://critiqueslibres.com/i.php/vauteur/14361